«Tracé du Code civil»Mariage pour tous: la «mort du père» dans la loi fait peur
Une affiche polémique met le doigt sur la crainte de la disparition de «la figure paternelle», qui serait tuée par les couples de femmes qui pourront recourir au don de sperme.

Mais qu’a à voir cette créature avec le mariage pour tous?
Lecteur reporter«Des enfants avec un mort» et une créature menaçante: l’affiche aperçue depuis lundi, appelant à voter non au mariage pour tous, a fait polémique outre-Sarine. Pour la plupart des gens, c’était surtout de l’incompréhension qui régnait quant au rapport entre ce quasi-zombie et la votation.
La réponse est donnée à nos collègues de «20 Minuten» par Oskar Freysinger, ancien conseiller national et d’État (UDC/VS), porte-parole pour un comité romand d’opposants. «Avec cette affiche, nous voulons thématiser la mort rituelle de la figure paternelle, qui disparaîtra du Droit civil en cas de oui», explique-t-il, mentionnant par la même occasion le cas où une femme recevrait le sperme d’un donneur décédé.

L’image circule largement parmi les opposants. Cette modification aura bien lieu en cas de oui. Mais la centaine d’autres occurrences du mot «père» dans le Code civil ne sont pas touchées.
Qui a peur de la mort du père?
L’argument est souvent articulé. «Eh oui, messieurs: pour que les lesbiennes puissent accéder à la PMA, vous allez être supprimés de la loi, ni plus ni moins. Vous n’existerez plus en droit suisse!», dit le Comité NON au mariage pour tous.
L’argument fait mouche. Le Mouvement de la condition paternelle Vaud a écrit un communiqué intitulé «Les papas sont inquiets» et estime que «l’homosexualité est un droit, mais à aucun moment nous n’avons le droit de retirer les pères de Suisse qui vont être tracés du Code civil».
«Le père est une construction juridique»
Les partisans de la loi s’inscrivent en faux. À la question de savoir s’il s’inquiète de voir le mot père tracé du Code civil, le conseiller national, avocat et père de famille Philippe Nantermod (PLR/VS) répond: «Pas du tout.» Il rappelle que, dans la loi, la notion de père est déjà dissociée de la biologie, sauf éventuellement en cas de reconnaissance hors mariage et de test ADN. «Pour la mère, la filiation est liée à la biologie; pour le père, c’est une construction juridique», dit-il.
Pour Philippe Nantermod, «on fait une montagne avec pas grand-chose. Sociologiquement, ça ne changera rien à l’existence ni au rôle des pères dans les familles.» Et même, il estime que, tout compte fait, la suppression des mots père et mère de la loi «ne serait pas si mal», mentionnant l’exemple des attributions de gardes d’enfants, où de nombreux hommes se sentent discriminés par les juges. «Si la loi parlait seulement de parents, tout le monde aurait les mêmes droits et les mêmes devoirs», dit-il.
«Père»: cent fois dans la loi
Le passage où «père» est remplacé par «autre parent» concerne la filiation. Dans un couple de femmes qui bénéficiera du don de sperme, la mère qui met l’enfant au monde ne verra pas de différence juridique par rapport à avant la révision de loi. Sa femme, quant à elle, ne sera naturellement pas le «père», mais «l’autre parent». En revanche, parmi la centaine d’occurrences du mot «père» dans le Code civil, la quasi-totalité n’est pas modifiée. Par exemple, lorsqu’il s’agit de l’entretien, l’article 276 ne bouge pas: «Les père et mère contribuent ensemble à l’entretien convenable de l’enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger.»
Des hommes divisés
Alors que la majorité des politiciens qui s’expriment contre le mariage pour tous sont des hommes et que des associations «masculinistes» se prononcent contre, ce n’est pas le cas de l’influente «faîtière des organisations suisses d’hommes et de pères» männer.ch, qui appelle tout à fait officiellement à accepter le projet. «männer.ch a toujours été en faveur d’une société ouverte et pour des masculinités diverses et positives. Nous en sommes sûrs: la Suisse est prête», dit-elle, ne semblant pas trouver matière à s’inquiéter outre mesure de la modification de l’article du Code civil sur la filiation.