Microlino«Dans 80% des cas, nos voitures sont trop grandes»
Wim Ouboter a révolutionné la manière de réaliser de courtes distances grâce à ses trottinettes. Aujourd’hui, le CEO de Micro tente de percer sur le marché de l’automobile et de libérer les villes des véhicules qui polluent beaucoup.
Monsieur Ouboter, vous vous êtes récemment lancé dans la production de voitures. Comment en êtes-vous arrivé là?
En donnant vie à une idée de marketing. En fait, nous voulions simplement faire comprendre que nos trottinettes sont des véhicules de conduite et non des jouets, et c’est dans cette optique que nous avons développé une petite «voiture». Lorsque nous l’avons exposée à Genève, les journalistes ont écrit que c’était le véhicule idéal. Nous nous sommes alors lancés.
Cela signifie-t-il qu’il y a un marché pour cela?
J’en suis convaincu. Pour moi, les petits véhicules, comme notre Microlino, sont la solution. Je pense que nous pouvons faire changer les gens d’avis. La distance moyenne que Monsieur et Madame Tout-le-monde parcourent chaque jour en Suisse en voiture est de 32 kilomètres. De plus, nous avons le taux de motorisation par habitant le plus élevé après Monaco – ce qui n’est pas vraiment à notre honneur. Regardez combien de voitures circulent avec une seule personne à bord. Chacun pourrait faire un effort en s’abstenant d’utiliser une grosse voiture destinée aux longues distances lors de chaque trajet. Vous ne sortez pas non plus tous les jours de chez vous avec une énorme valise, simplement parce que vous vous dites qu’il est possible que vous soyez pris d’une frénésie d’achats.
Selon vous, à quoi devrait ressembler le «parc automobile» idéal d’une famille suisse?
Elle a tout au plus besoin d’une voiture pour les longs trajets. Le reste peut se faire avec une Microlino, en transports publics et, si on le souhaite, avec des trottinettes. Dans notre pays, nous n’avons vraiment besoin d’une voiture permettant d’effectuer de longues distances que les week-ends ou pendant les vacances.
Vous ne vendez pas simplement un produit, mais un style de vie. Est-ce que c’était le concept dès le départ?
Oui, sans marketing et sans style de vie, ça ne marche pas. Avec la Microlino, on renonce au confort et à beaucoup de place.
Et qu’obtient-on en échange?
Un truc cool en forme de goutte d’eau qui se conduit comme un kart, qui facilite grandement la recherche d’une place de parking, qui coûte nettement moins cher à entretenir et qui contribue à résoudre les problèmes de circulation et d’environnement. En Italie, on vous siffle lorsque vous passez avec la Microlino et on vous crie «Bella Figura!».
Les grandes thématiques autour des voitures électriques sont toujours l’autonomie et le temps de charge. Comment la Microlino s’en sort-elle?
Cette voiture ne pèse que 450 kg sans batterie – c’est pourquoi nous n’avons besoin que d’une petite batterie légère de 48 volts – et permet de parcourir jusqu’à 130 km. Avec notre plus grande batterie, on atteint même les 240 km. Cela dit, on exploite rarement cette capacité au maximum. Et lorsque la batterie est vide, il suffit de brancher la Microlino sur une prise de courant normale pour être à nouveau à 100% en quatre heures.
C’est une voiture à deux places avec une surface de chargement supplémentaire. Peut-on aussi installer un siège pour enfant?
Oui, c’est possible. Mais, bien sûr, ce n’est pas une voiture familiale, mais un scooter à cabine destiné à un usage au quotidien.
Vous avez évoqué la politique. La Microlino reçoit-elle des subventions?
Uniquement en Italie et en Grèce. En Allemagne et en Suisse, pas un centime. La politique pense pouvoir résoudre le problème du trafic avec des vélos-cargos et les transports publics, mais c’est de la poudre aux yeux. Souvent, la Microlino navigue entre deux eaux, car d’un point de vue purement technique, ce n’est pas une voiture, mais un «heavy quadricycle». Et si l’on s’en tient aux seules directives de l’Union européenne, il n’est pas nécessaire de la promouvoir. À titre comparatif, la commercialisation des Tesla n’est pas seulement encouragée, la marque reçoit aussi beaucoup d’argent des importateurs de voitures, parce qu’elle les aide à améliorer le bilan CO₂ de leur flotte.
Une Microlino avec une autonomie et un équipement corrects coûte 20’000 francs. Un prix exorbitant pour un véhicule complémentaire, quand on sait qu’une Citroën Ami ou une Renault Twizy coûtent moins de la moitié.
En revanche, elles sont nettement moins performantes et pratiques. La Microlino peut rouler jusqu’à 90 km/h, elle est protégée des intempéries et dispose d’un espace de rangement tout à fait convenable pour un engin aussi compact.
Que pensez-vous des trottinettes à partager que l’on peut désormais louer à chaque coin de rue?
Ce n’est pas notre concept. Nous vendons des trottinettes que l’on peut plier et emporter partout. Je ne pense pas non plus que le modèle de partage soit particulièrement efficace. Pour beaucoup, ces trottinettes sont devenues une nuisance, parce qu’elles traînent n’importe où.
Récemment, nous avons interviewé dans cette rubrique le développeur Frank M. Rinderknecht et il a déclaré qu’en matière de mobilité et de durabilité, il n’y avait pas de vérité. Qu’en pensez-vous?
Il y a certainement une vérité: pour 80% de notre mobilité, nos voitures sont trop grandes. Pour la plupart d’entre nous, des véhicules plus petits, avec une batterie plus compacte, suffisent amplement au quotidien.
Vous parlez toujours de deuxième voiture. Mais si l’on a une Microlino, peut-être aussi une trottinette électrique et que l’on utilise les transports publics, l’achat et l’entretien d’une grande voiture en valent-ils vraiment la peine?
Bien sûr que non. Depuis un an, ma femme et moi utilisons exclusivement la Microlino et les transports publics, à une exception près: lorsque nous faisons des excursions le week-end. Dans ce cas, j’emprunte l’une des voitures de notre entreprise. On pourrait bien sûr aussi utiliser un système de partage ou simplement louer une voiture.
Achèteriez-vous une Microlino?