Prison de Champ-Dollon (GE)«Nous vivons dans la crainte permanente d’un drame»
L’état-major de la prison de Champ-Dollon tire la sonnette d’alarme. Selon lui, de nombreux manquements de gestion mettent en danger la sécurité de l’établissement.

Le conseil de direction de Champ-Dollon dénonce des «risques sécuritaires de premier ordre».
Laurent Guiraud/TDG«Avec douleur et gravité, nous vous disons aujourd’hui, M. le conseiller d’État, que nous n’en pouvons plus.» Dans un courrier envoyé mi-juin à Mauro Poggia, magistrat chargé de la sécurité, le conseil de direction de la prison de Champ-Dollon a dressé un portait alarmiste de la situation au sein de l’établissement, révèle ce vendredi la «Tribune de Genève». Ses membres tirent à boulets rouges sur le directeur de l’établissement carcéral, arrivé en septembre 2019 , et sur la direction générale de l’Office cantonal de la détention.
Les responsables cauchemardent
Les cadres de la prison mettent en exergue «des risques sécuritaires de premier ordre» tant pour les gardiens que pour les détenus de Champ-Dollon, et la «crainte permanente qu’un drame s’y noue». À tel point que les responsables disent avoir perdu le sommeil ou faire de nombreux cauchemars en lien avec leur travail. Une situation qu’ils ne connaissaient pas avant et qui a eu des impacts sur leur santé.
Les signataires de la missive affirment également avoir subi «des pressions sous forme de menaces directes pour renoncer à faire part de (leurs) nombreuses réserves, notamment sur les risques sécuritaires» liés à la mise en œuvre du projet «Ambition». Une visée que le courrier qualifie de «projet présentant de nombreux risques non maîtrisés et non maîtrisables». Comme le détaille le quotidien genevois, une partie des gardiens serait affectée à un rôle strictement sécuritaire alors qu’une autre se chargerait de l’aspect social de la détention. Enfin, la dernière partie des agents s’occuperait du parcours carcéral, notamment de la réinsertion post-incarcération.
Violence psychologique
Autre volet des plaintes du conseil de direction, et non des moindres, le management. Les cadres évoquent une collaboration «très compliquée» avec le directeur de la prison et la direction générale de l’Office cantonal de la détention. Il leur est reproché «une volonté presque maladive de blesser la prison et sa troupe». Globalement, les gardiens estiment ne bénéficier d’aucune écoute de la hiérarchie, sans retours, ni bienveillance.
«Cette violence psychologique use.» Les cadres décrivent une gestion humaine défaillante: «expérience méprisée, bafouée, écartée», un manque de communication, la volonté de mettre en difficulté le personnel. Par ailleurs, le fonctionnement est décrit comme autoritaire, distant et dans l’évitement. Mauro Poggia, conseiller d’État chargé de la sécurité, aurait rencontré les signataires de la missive.
Mise en place d’une médiation
«Il est vrai que le malaise exprimé et le nombre de signataires ne peut qu'interpeller et ce indépendamment de la cause dudit malaise qu'il convient d'objectiver», a réagi le magistrat. Mauro Poggia annonce avoir «décidé immédiatement de mettre en place une médiation entre les cadres et la direction de cette institution afin de restaurer un dialogue constructif. De plus, un regard extérieur devra permettre d'apprécier la mise en œuvre de la réforme et le rythme de son déploiement».