Taxe militaire«On a vraiment l’impression que l’armée vient nous faire les poches»
Les hommes assujettis à la taxe militaire ont reçu leur facture définitive pour 2019. Pour certains qui croyaient en avoir terminé, la surprise est coûteuse.

Discriminatoire ou équitable, le rattrapage d’anciens payeurs divise les avis.
yweUn mois avant Noël, c’est loin d’être un cadeau qui est arrivé dans les boîtes aux lettres de nombreux hommes suisses. C’est la facture de la taxe militaire pour l’année 2019, année où une modification de la loi était entrée en vigueur et allait soumettre à nouveau des citoyens qui avaient pourtant fini de la payer.
C’était fini, ça revient
C’est le cas notamment pour Ultimo*, un Lausannois de 33 ans. Italien né en Suisse, il a été naturalisé à 25 ans, a passé le recrutement, a été affecté à la Protection civile et a payé en parallèle sa taxe jusqu’à 30 ans, comme le prévoyait l’ancienne loi. Celle-ci dit maintenant qu’il doit finalement s’acquitter de onze taxes au total, jusqu’à, au maximum, 37 ans. La semaine passée, ce fut donc la douche froide. Une double facture, pour les années 2018 et 2019: 3000 francs à payer d’un coup dans les trente jours.
«C’est dégueulasse de venir repêcher des gens de la sorte. J’étais en règle depuis trois ans, et hop, non seulement je suis de nouveau taxé, mais en plus on me réclame d’un coup les années écoulées entre deux. Là on a vraiment l’impression que l’armée vient nous faire les poches», s’agace Ultimo, qui déplore un manque d’information: les factures sont arrivées sans aucune explication sur le pourquoi du comment de ce rattrapage en règle.
Dernier mot au Parlement
Comme lui, de nombreux Suisses doivent à nouveau payer. Ces cas avaient retenu l’attention de quelques parlementaires, qui avaient interpellé le Conseil fédéral. Parmi eux, Mathias Reynard (PS/VS), qui a fini par déposer une motion au début de l’été, demandant une adaptation de la nouvelle loi pour faire en sorte que personne ne soit taxé rétroactivement, ce qui serait «arbitraire et discriminatoire», selon ses termes.
En août, le Conseil fédéral a sèchement rejeté sa proposition. Le gouvernement a rappelé dans sa prise de position que la taxe remplace l’obligation de servir. Il estime que les nouveaux naturalisés, trop âgés pour pouvoir accomplir ce service, n’en sont pas moins appelés à remplir cette obligation via leur compte en banque plutôt que via leur présence en caserne. Loin d’être discriminatoire, les taxer à nouveau les mettrait à égalité avec ceux qui ont subi le service, militaire ou civil, en entier. Le Parlement devra trancher.
Recours en justice à venir
En parallèle à l’action politique, un groupe de citoyens s’active sur le plan juridique pour s’opposer à ce nouveau régime de taxe et notamment de son caractère rétroactif, au cœur du débat. Ils sont soutenus dans leur démarche par l’avocat et député au Grand Conseil vaudois David Raedler. Ce dernier a rédigé un avis de droit contenant «plusieurs arguments qui devraient donner des chances à une opposition puis un recours», nous précise-t-il.
C’est la question que se posait Ultimo, notre lecteur, qui nous a dit songer à contester sa taxe. «Mais est-ce que ça en vaut vraiment la peine?» s’interroge-t-il. «Vu le nombre de personnes concernées, la possibilité de faire opposition puis de recourir me semble justifiée», estime David Raedler.
*Prénom d’emprunt
On n’attend pas le jackpot
Lors de la préparation de la loi, la Confédération indiquait ne pas pouvoir estimer précisément ce qu’allaient lui rapporter le nouveau régime de taxation et la ribambelle de citoyens trentenaires qui allaient à nouveau devoir passer à la caisse, souvent salariés et donc plus intéressants pour les finances puisque la taxe est proportionnelle au revenu. Ce lundi, l’Administration fédérale des contributions (AFC) nous a fourni quelques chiffres. Entre 2015 et 2019, la taxe a rapporté en moyenne 170 millions de francs par an. Et il faut croire que l’État ne s’attend pas à rouler sur l’or à l’avenir, ou alors a fait des estimations prudentes. Le budget de l’État pour 2020 table en effet sur des recettes inchangées, à savoir 170 millions.