Recherches du CHUV«Orteils Covid», les signes d’une immunité naturelle hors norme
D’abord suspectées d’être un symptôme du Covid-19, ces rougeurs cutanées sont désormais considérées comme une manifestation d’une réaction qui y fait au contraire barrage.

Les rougeurs sont la plupart du temps non douloureuses et disparaissent d’elles mêmes en quelques semaines.
L’EssentielParmi la liste des symptômes du Covid, il en est un, intriguant, qui avait été identifié par des dermatologues en avril 2020 déjà: des «pseudo-engelures» aux orteils, qui virent au violet et guérissent spontanément sans traitement dans la majorité des cas. Les consultations ont à chaque fois augmenté aux mêmes moments que les pics de l’épidémie de Covid et ce constat a été le même dans plusieurs autres pays, ainsi qu’à Lausanne.
«Dommage collatéral»
«Mais, rapidement, on s'est aperçu que la grande majorité des cas ne présentait pas de signe d'infection: pas de symptômes, tests PCR négatifs, pas de sérologie positive, alors qu'une exposition au virus était souvent rapportée», note le Dr Ahmad Yatim du Service de dermatologie du CHUV, auteur d’un article publié la semaine dernière dans la Revue médicale suisse avec le Pr Michel Gilliet.
«Les données actuelles indiquent qu'il s'agit d'un dommage collatéral d'une immunité très robuste qui empêche dans la plupart des cas l'infection de s'établir, et non pas un symptôme de la maladie», dévoile-t-il. Tout se jouerait au niveau des «interférons de type 1», un groupe de protéines antivirales. Une très forte activation de celles-ci permettrait ainsi une barrière naturelle contre le SARS-CoV-2.
Des thérapies possibles?
Mais le nombre de personnes qui en bénéficient est probablement peu élevé au sein de la population. «Il est difficile de donner un chiffre précis puisque de nombreux patients avec pseudo-engelures ne consultent pas. Mais on peut estimer que cela devrait se situer entre 0,05% et 0,5%», dit Ahmad Yatim.
Les recherches doivent donc être poursuivies. Les chercheurs appellent par ailleurs toute personne présentant ces symptômes à les contacter. L’espoir est que si l’on parvient à «élucider les mécanismes génétiques et moléculaires» à l’oeuvre, on pourrait «développer des stratégies thérapeutiques dans le but d'induire une immunité antivirale efficace chez les patients qui n'en bénéficient pas naturellement».
Covid non, gastro oui
Attention, ceux qui ont jusqu’ici échappé au Covid et qui ont remarqué les engelures aux orteils pourraient certes imaginer être potentiellement naturellement résistants à ce virus, mais il ne faudra pas tomber dans l’excès de confiance et se prétendre être un humain «sur-immunisé» à tout environnement pathogène. «Une forte réponse dépend en grande partie de la capacité de nos cellules à détecter l'infection virale. Cette détection fait intervenir des mécanismes très différents en fonction de la nature du virus. On peut donc être prédisposé à développer de fortes réponses contre le virus SARS-CoV-2, et être résistant au Covid-19, mais attraper la grippe ou une gastroentérite virale comme tout le monde», explique le Dr Yatim.