Carnaval de Lisbonne: quand le Brésil fait vibrer la capitale portugaise

Dès le 22 février, les festivités de "pré-carnaval" lancent une série d'une dizaine de jours hors norme dans les rues de Lisbonne.

Dès le 22 février, les festivités de "pré-carnaval" lancent une série d'une dizaine de jours hors norme dans les rues de Lisbonne.

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PortugalPaillettes et tambours: Lisbonne se déguise en Rio pour carnaval

Importée par une forte communauté brésilienne, la folie de carnaval offre un exutoire très attendu. L'événement est désormais reconnu comme une manifestation culturelle.

Au Brésil, avant que n'arrive la semaine de carnaval, on dit que l'année n'a pas vraiment commencé. Sur sol européen aussi, la forte communauté brésilienne de Lisbonne s'appliquait religieusement cette semaine à faire de cet événement un moment inoubliable et contagieux pour la ville et ses visiteurs. Et même si ce n'est pas Rio, où le carnaval court jusqu'au samedi 8 mars, la chaleur y monte presque autant. «Quelle tenue pour demain? Presque aucun habit, et que du brillant!», recommandent les habitués.

Des classiques brésiliens aux remix techno de hits mainstream, il n'y a pas de limites au répertoire des fanfares.

Des classiques brésiliens aux remix techno de hits mainstream, il n'y a pas de limites au répertoire des fanfares.

rmf

Un concentré de culture brésilienne

Dans la capitale portugaise, qui célèbre cette fête depuis des décennies, l'ambiance a encore pris des couleurs (et des décibels) ces dernières années, à mesure que la diaspora a grandi. Difficile désormais d'ignorer - et de résister à bouger au rythme des «blocos» et autres fanfares, danseurs et danseuses, échassiers et même cortèges d'enfants costumés qui prennent le contrôle de la ville pendant carnaval.

L'espace d'un week-end, qui déborde sur de nombreuses soirées de pré- et post-carnaval, chaque coin de rue peut réserver la surprise d'une perruque rose, d'une robe transparente, d'un saxophoniste qui s'échauffe avant un concert ou d'une explosion de paillettes colorées. Au menu, des cortèges dans le soleil de l'après-midi, des events sauvages au bord de l'eau au son d'une fanfare, des démonstrations de samba, des techno parties dans des fabriques désaffectées... Il y en a pour tous les goûts, gratuitement, pour peu qu'on soit sensible au sens de la fête. Même les seniors portugais sur leurs balcons semblent ne pas y résister.

Le public, parfois dans les rues, parfois au balcon, a de la peine à résister aux rythmes endiablés des «blocos».

Le public, parfois dans les rues, parfois au balcon, a de la peine à résister aux rythmes endiablés des «blocos».

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Le plus gros rassemblement, celui du groupe féministe Colombina Clandestina qui serpente dans les ruelles pavées de la vieille ville, réunit pas moins de 25'000 personnes. Comme plusieurs des quatorze associations qui font vivre cette fête à Lisbonne, il offre un espace de liberté inclusif, mélangeant les genres, les âges, les corpulences, et offrant un espace à l'expression d'une culture queer ultra joyeuse. «Plutôt qu'un grand cortège, carnaval, ici, c'est une multitude de petits groupes, notamment beaucoup de jeunes, d'artistes. Comme à l'époque au Brésil avant que ça ne devienne immense», décrit une photographe pailletée.

Des démonstrations de samba ont aussi lieu, dans la plus pure tradition du Carnaval de Rio.

Des démonstrations de samba ont aussi lieu, dans la plus pure tradition du Carnaval de Rio.

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Une bouffée d'air pour les travailleurs immigrés

Le Portugal accueille actuellement près de 300'000 Brésiliens, soit deux fois plus qu'avant l'arrivée au pouvoir de l'ancien président d'extrême droite Jair Bolsonaro en 2019. Et la vie d'immigré n'est pas toujours facile. «Nous travaillons beaucoup, les conditions de vie sont rudes. Carnaval, c'est le moment où on lâche tout, on devient fous», sourit un participant. Et où l'union fait la force, en tout cas morale.

«C'est le moment de se rassembler, lance un chanteur au micro. Maintenant, nous sortons des Uber, des chantiers, des bars, hôtels, restaurants qui nous emploient, et où nous revêtons nos habits les plus brillants et colorés pour prendre les rues!» Une visibilité importante, porteuse de revendications, pour cette jeunesse qui a quitté son pays natal à la recherche d'une vie meilleure. «Pour nous autres immigrés, occuper cet espace public en Europe, c'est symbolique», confirme une danseuse.

Enfin une reconnaissance officielle

Et cette culture alternative gagne ses lettres de noblesse. Après de longues négociations sur les frais et l'encadrement, c'est enfin cette année avec une autorisation officielle que les fanfares ont fait résonner cuivres et tambours sur les célèbres pavés noirs et blancs de Lisbonne. Et ce, grâce à l'intervention de l'ambassade du Brésil. Les autorités lisboètes reconnaissent désormais le carnaval comme un événement culturel, avec les facilités et soutiens qui l'accompagnent. Nul doute que, le bouche-à-oreille aidant, cette manifestation n'a pas fini de faire vibrer la capitale portugaise.

Au sortir de l'hiver, carnaval est une occasion pour cette communauté immigrée de se défouler et se rassembler, peu importe les difficultés de l'année.

Au sortir de l'hiver, carnaval est une occasion pour cette communauté immigrée de se défouler et se rassembler, peu importe les difficultés de l'année.

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