«Pourquoi m’a-t-il fait ça?»Le «tueur au parpaing» a attaqué un trentenaire à Berne
Un Camerounais de 27 ans est soupçonné d'avoir tenté de tuer des personnes à coups de pierres en Europe. Il a également frappé dans la capitale fédérale.
La presse européenne l'a surnommé le «tueur au parpaing». Levis E. a été arrêté le 12 novembre 2024 à bord d'un train en gare de Toulon (sud de la France). Il aurait agressé une femme durant le trajet, ce qui a conduit la police ferroviaire à intervenir.
Un prélèvement ADN effectué après son arrestation a révélé un parcours sanglant à travers l’Europe. L’homme aurait attaqué au moins sept personnes dans trois pays européens, utilisant de lourdes pierres ou des blocs de béton comme armes. Son intention ne semble laisser aucun doute: tuer. Ses victimes sont souvent des personnes marginalisées ou sans-abri, mais aussi de simples passants, qui ont eu le malheur de croiser sa route.

«Je n'y comprenais rien du tout.»
C’est le cas de Marco*, 30 ans, violemment agressé le soir du 8 octobre 2024 dans les rues de Berne. Un inconnu lui a lancé une pierre de dix kilos depuis un pont situé à 6,5 mètres au-dessus de lui. L’analyse ADN a révélé une correspondance avec Levis E.
«Jasmin*, quelqu’un m’a lancé une pierre sur la tête depuis un pont. Je suis à l’hôpital maintenant.» C’est par ce message glaçant, reçu à 20h40 sur WhatsApp, que l’épouse de Marco a appris l’agression. Quelques minutes plus tôt, sans le savoir, son mari venait de croiser la route du tristement célèbre «tueur au parpaing», alors qu’il traversait un passage souterrain. «Au début, je ne comprenais rien. On ne s’attend pas à ce genre de chose», raconte Marco à 20 Minuten. Redoutant une atteinte cérébrale, il s’est mis à résoudre des problèmes mathématiques pour tester ses facultés mentales, en attendant l’arrivée des secours.
Fonctionnaire au Secrétariat d’État aux migrations (SEM), Marco avait choisi de rentrer à pied à son appartement de Liebefeld (BE) pour «se dégourdir les jambes». Alors qu’il empruntait un passage sous la ligne de train BLS, il a entendu un bruit sourd. «Soudain, j’ai ressenti un coup violent à la tête. Tout s’est brouillé, je n’ai rien vu ni entendu pendant quelques secondes.» En reprenant ses esprits, il constate que sa veste est maculée de sang. Il appelle les secours, vacille, à deux doigts de perdre connaissance. Dans cet instant suspendu, il dit avoir vu sa vie défiler. Originaire de Suisse orientale, Marco a vécu ce qu’il décrit comme une véritable expérience de mort imminente.
Cet homme serait un tueur en série de SDF en Europe (novembre 2024).
Le trentenaire raconte avoir été profondément choqué par l’indifférence de plusieurs passants – il en a compté quatre – qui sont simplement passés devant lui sans lui venir en aide. Et ce, malgré sa blessure apparente, la mare de sang à ses pieds, et la pierre de dix kilos encore posée à proximité. «Je rentrais du travail, j’étais habillé correctement, en tenue décontractée. Je ne ressemblais pas à un sans-abri», explique-t-il, visiblement agacé. «Et même un sans-abri devrait recevoir de l’aide dans une situation pareille.»
Ce sont finalement deux jeunes hommes, après l’avoir d’abord ignoré, qui ont rebroussé chemin pour lui porter secours. «Ça peut sembler étrange, mais je me suis senti terriblement seul. Quand ces deux garçons sont revenus, j’ai ressenti un immense soulagement.»
«Pourquoi m'a-t-il fait ça?»
À son arrivée à l’hôpital, les nouvelles sont loin d’être rassurantes.
«Un médecin m’a dit assez rapidement que, dans ce genre de cas, les chances de survie étaient très faibles.» Contre toute attente, Marco survit. Il souffre néanmoins d’un traumatisme crânio-cérébral sévère, de troubles moteurs et d’un syndrome de stress post-traumatique. Depuis l’agression, il ne parvient plus à dormir et redoute chaque sortie dans la rue, obsédé par une question qui le hante: «Est-ce qu’il voulait vraiment me tuer, ou était-ce une coïncidence terriblement malheureuse?»
Ce n’est que la semaine dernière qu’un début de réponse lui parvient par courrier, envoyé par la justice bernoise. Il apprend que son agresseur a été identifié grâce à l’ADN. «L’agresseur voulait me tuer. Ce n’était pas un accident. Mais pourquoi moi? Pourquoi m’a-t-il fait ça?» Si Marco dit se sentir soulagé de savoir son agresseur derrière les barreaux, la peur, elle, ne l’a pas quitté. Les cauchemars non plus. Toujours en arrêt maladie, il poursuit sa convalescence et bénéficie d’un accompagnement psychologique.

Le tueur au parpaing lors d'un avis de recherche diffusé par la police néerlandaise.
Un agresseur qui était sous OQTF?
Ni l'Office fédéral des migrations (SEM) ni la police bernoise ne fournissent d'informations sur la durée du séjour de Levis E. en Suisse. Il n'est pas non plus confirmé si le jeune homme de 27 ans a demandé l'asile en Suisse.
Toutefois, les dossiers de procédure ne contiennent aucune référence à des procédures administratives liées à l'asile concernant Levis E. ou l'un de ses nombreux pseudonymes, sous lesquels il apparaissait parfois en France. Cela conduit à la conclusion que Levis E. devait séjourner illégalement en Suisse.
Le journal français «Le Progrès» écrit qu'il avait reçu une «Obligation de quitter le territoire» (OQTF). Les autorités françaises et Interpol, interrogées par 20 Minuten, n'ont pas souhaité confirmer cette information pour des raisons de protection des données.
* Prénom d'emprunt.