SuissePrès de 200 personnes victimes de traite d’êtres humains en 2020
Ce mardi, des chiffres concernant les victimes de la traite d’êtres humains à l’échelle nationale sont parus pour la première fois. Ce crime avait notamment fait l’objet de deux plans nationaux en 2012 et en 2017.

La traite des êtres humains est souvent en lien avec d’autres infractions, telles que la prostitution informe Fedpol. En Suisse en 2020, deux tiers des 174 victimes ont été exploitées à des fins de prostitution.
URS JAUDAS174 victimes de traite d’êtres humains ont été identifiées en Suisse en 2020. Et plus de 500 personnes ont bénéficié de conseils et d’un accompagnement spécialisé. Pour la première fois en Suisse, des statistiques précises sur le sujet ont été établies à l’échelle nationale, annonce la Plateforme suisse contre la traite des êtres humains dans un communiqué ce mardi. Quatre centres de consultation spécialisés ont participé à leur élaboration.
La grande majorité des victimes recensées sont des femmes (86%), et près de deux tiers d’entre elles ont été exploitées dans le secteur de la prostitution. Le tiers restant concerne des victimes exploitées pour leur force de travail et pour l’exercice d’activités illicites. De nombreux secteurs sont concernés: restauration, bâtiment, ou encore onglerie. Quant à l’origine des victimes, elles provenaient à près de 40% de pays européens, 40% d’Afrique et environ 10% de pays asiatiques ou d’Amérique latine.
La partie émergée de l’iceberg
«Ces chiffres ne représentent que la partie émergée de l’iceberg et le nombre de victimes non recensées est beaucoup plus élevé», a déclaré Anne Ansermet, co-directrice de l’Astrée, association de soutien aux victimes de traite et d’exploitation.
«Un tiers des personnes que nous conseillons ont fait l’objet d’exploitation à l’étranger. Selon le droit suisse relatif à l’aide aux victimes, ces personnes ne peuvent prétendre à aucune aide, commente Doro Winkler, responsable du département Expertise et Advocacy du FIZ, centre d’assistance aux migrantes et aux victimes de la traite des femmes. «Cela va à l’encontre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, que la Suisse a signée», poursuit-elle.
La traite des êtres humains, l’affaire de Fedpol
Au niveau de la Confédération, c’est l’Office fédéral de la police Fedpol qui informe et sensibilise en matière de traite des êtres humains. En 2017, il avait d’ailleurs lancé son deuxième plan d’action national sur le sujet, en planifiant une stratégie jusqu’en 2020. Le projet avait un double objectif: «d’un côté apporter les bonnes réponses pour l'identification et le soutien des victimes et de l’autre, renforcer la poursuite pénale des criminels», peut-on lire dans un communiqué.
Quant aux statistiques fédérales sur le nombre d’infractions saisies, elles varient énormément d’une année à l’autre. Néanmoins, la tendance semble à la hausse pour les infractions à l’art. 182 du Code pénal, qui régit la traite des êtres humains.

Entre 2010 et 2019, le nombre d’infractions saisies à l’article 182 du Code pénal ont pratiquement doublé.
Office fédéral de la statistique, Statistique policière de la criminalité SPC (nombre d'infractions saisies, état: mars 2020)Le nombre de condamnations, quant à lui, est nettement inférieur en comparaison au nombre d’infractions saisies.

En 2019, les chiffres indiquent que 99 infractions à l’art 182 du Code pénal avaient été saisies. 4 ont fait l’objet d’une condamnation.
Office fédéral de la statistique, statistique de condamnations pénales (nombres de condamnations entrées en force, état: mai 2019)Deux initiatives parlementaires en cours
Sous la coupole, deux initiatives occuperont encore les parlementaires à ce sujet. La première est un projet – encore non traité au conseil – de l’ancien conseiller national Mathias Reynard (PS/VS). Sa demande: le Conseil fédéral doit évaluer l’efficacité et faire un bilan des deux plans nationaux de 2012 et 2017. Plus encore, l’élu souhaitait connaître la stratégie future qu’adopteront les autorités en la matière.
Le deuxième projet parlementaire est une motion de la conseillère nationale Marianne Streiff-Feller, actuellement traitée au conseil. Cette dernière proposait d’allouer davantage de ressources financières aux cantons, pour leur permettre de mettre en place «une poursuite pénale effective des infractions en matière de traite des êtres humains.»
Dans les deux cas, le Conseil fédéral propose de rejeter les projets. Il estime que son action est suffisante, et que «les moyens mis à disposition par la Confédération au titre de la lutte contre la traite d'êtres humains sont suffisants.»