Élection américaine: médias US accusés d'«obéissance anticipée»

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Présidentielle américaineDe prestigieux médias renoncent à prendre parti: «De la lâcheté»

Le «Washington Post» et le «Los Angeles Times» ont décidé de s'abstenir de soutenir Kamala Harris ou Donald Trump en vue de l'élection américaine de 2024.

Kamala Harris et Donald Trump sont dans la dernière ligne droite la campagne présidentielle américaine.

Kamala Harris et Donald Trump sont dans la dernière ligne droite la campagne présidentielle américaine.

AFP

Face à un scrutin à l’issue indécise, de prestigieux médias américains renoncent à apporter leur soutien à Kamala Harris ou à Donald Trump, mettant fin à une longue tradition et suscitant de vives tensions dans leurs rédactions.

«De la lâcheté»

«C’est de la lâcheté, et la démocratie en est la victime», a tonné vendredi l’ancien rédacteur en chef du «Washington Post», Marty Baron, sur X, reprochant au quotidien de s’incliner face aux intimidations de Trump. La direction du journal, propriété du milliardaire Jeff Bezos, fondateur d’Amazon, avait annoncé plus tôt que le «Wapo», plutôt marqué à gauche, ne soutiendrait aucun candidat pour l’élection du 5 novembre, ainsi qu’à l’avenir. Un coup de tonnerre dans l’industrie.

«Notre travail, en tant que quotidien de la capitale du plus important pays du monde, est d’être indépendant», a justifié le directeur général. Selon le syndicat des journalistes du quotidien, qui s’est dit «très préoccupé» par cette annonce, «un soutien à Harris avait déjà été rédigé, et le propriétaire du «Post», Jeff Bezos, a pris la décision de ne pas le publier». Une intervention niée par une source proche de la direction, qui a assuré à l’AFP qu’il s’agissait bien d’une décision du journal.

AFP

Démissions d'employés

Plus tôt dans la semaine, le milliardaire Patrick Soon-Shiong, propriétaire du «Los Angeles Times», avait bloqué la décision du comité éditorial du journal qui voulait apporter son soutien à la démocrate. En signe de contestation, plusieurs employés ont remis leur démission, dont la responsable éditoriale du «LA Times», Mariel Garza. «Je n’accepte pas que nous restions silencieux», a-t-elle expliqué dans une interview. «Dans ces temps dangereux, les gens honnêtes doivent se manifester.»

L’équipe de campagne de Donald Trump a quant à elle sauté sur l’occasion: «Kamala (Harris) est tellement une coquille vide que le «Washington Post» a décidé d’annuler tout soutien présidentiel plutôt que d’appuyer sa candidature», a-t-elle commenté. Les deux journaux avaient apporté leur soutien aux candidats démocrates lors des dernières élections. De nombreux lecteurs, indignés, ont immédiatement réagi en assurant qu’ils allaient résilier leur abonnement.

En refusant de prendre position, les médias cherchent à s’assurer «de ne pas s’aliéner de lecteurs potentiels», explique à l’AFP Dannagal Young, professeure en communication et en sciences politiques à l’université du Delaware. Mais aussi, note-t-elle, «les magnats de la presse ne sont probablement pas très enclins à vouloir s’aliéner celui qui pourrait devenir président».

«Être du bon côté de Trump»

D’autant plus que certains ont des intérêts financiers liés au gouvernement. C’est notamment le cas de Jeff Bezos, les sociétés dont il est actionnaire ayant signé ces dernières années de gros contrats avec l’administration, dont le Pentagone.

«Les gens veulent être du bon côté de Donald Trump», résume Mme Young, rappelant que le républicain est réputé pour favoriser les relations personnelles aux affinités politiques. Cela ressemble «à de l’obéissance anticipée» face à «la punition qu’ils pourraient subir si Trump revenait au pouvoir», abonde Dan Kennedy, professeur de journalisme à l’université Northeastern dans un blog.

Bien que plus que centenaire, la tradition des soutiens médiatiques a connu ces dernières années un déclin aux Etats-Unis. Cette année, le prestigieux «New York Times», le «Boston Globe», le magazine «Rolling Stone» et le «Philadelphia Inquirer» ont notamment apporté leur soutien à la candidate démocrate. Quant au républicain, il a recueilli entre autres l’appui du «New York Post», tabloïd appartenant au magnat Rupert Murdoch et du quotidien conservateur the «Washington Times».

Tout savoir sur la présidentielle américaine

L'élection présidentielle américaine de 2024 a eu lieu le 5 novembre 2024. A la surprise générale, le résultat n'a pas été serré et Donald Trump a revendiqué mercredi matin (heure suisse) une «victoire politique jamais vue dans notre pays». Pour tout savoir sur cette élection et ses conséquences c'est par ici.

(afp)

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