Prilly (VD)La vue sur le lac Léman ne justifiait pas un loyer 20% plus cher
Le Tribunal fédéral a arbitré un litige entre un locataire et son bailleur en faveur du premier. Cela lui rapportera gros.

La fixation du loyer n'a pas été faite dans les règles, a jugé le Tribunal fédéral.
Ville de PrillyQuand ses affaires de sport ont moisi dans sa cave, ça a mis le feu aux poudres. Le Tribunal fédéral (TF) vient de mettre un terme à un litige qui a débuté en 2019 entre un locataire à Prilly (VD) et son bailleur. En réclamant des dommages-intérêts pour son matériel pourri, aidé de l'Asloca, le locataire s'est rendu compte que le loyer de 1200 fr. fixé à son emménagement, en 2013, n'avait pas été notifié dans les règles de l'art, la formule de notification de loyer obligatoire n’ayant pas été remise. Il en a donc profité pour demander une baisse et le remboursement rétroactif du solde.
La conciliation n'a rien donné et l'affaire est partie devant la justice. Le Tribunal des baux a fixé le loyer à 970 fr. par mois. Le proprio a fait recours. La cour cantonale a ensuite fixé le loyer à 998,75 fr. Toujours trop peu pour le proprio, qui est parti au TF, estimant qu'il fallait «pondérer le loyer en fonction de l'étage de l'appartement, afin de tenir compte du fait qu'il bénéficie d'une vue dégagée sur le lac».
Pas forcément faux, mais pas au bon moment
Mais le TF a constaté que le bailleur «n'avait présenté aucune clé de répartition étage par étage». Il ne juge pas sur le fond de savoir si majorer le loyer est justifié, mais dit sur la forme que l'argument a été invoqué tardivement. «Ce n'est que devant le TF que le bailleur dit qu'il faudrait un loyer à 1200 fr., soit le montant de la cour cantonale majoré de 20% pour tenir compte de la vue». Il fallait présenter ça à la cour cantonale. Celle-ci, sans cette clé, «a appliqué le système qui lui a paru équitable: en répartissant le rendement brut de l'immeuble au prorata de la surface de l'appartement. Son calcul ne prête pas le flanc à la critique», conclut-il.
Le locataire a bien fait. Le bailleur a été condamné à lui payer 5000 fr. d'indemnités. En plus, il doit lui rembourser tout ce qu'il a payé en trop pendant toutes les années entre son arrivée et son départ, car le monsieur a déménagé depuis. On ne sait pas à quelle date, mais il a vécu au moins six ans dans cet appart: multiplié par 200 fr. payés en trop chaque mois, on tourne, additionné aux indemnités, à facilement 20'000 francs.
Une tentative audacieuse
Le locataire a été défendu par l'avocate Carole Wahlen, présidente de l'Asloca Vaud. Pour elle, cette tentative d’augmenter le loyer en raison de la situation du logement est une première. «Prétendre majorer le loyer pour tenir compte de la vue constituerait une violation des règles de fixation des loyers et pourrait créer une insécurité juridique et des disparités injustifiables entre les locataires d’un même immeuble», remarque-t-elle. Elle rappelle que les loyers sont fondés sur les coûts de construction et le rendement. «Un appartement au premier ou au cinquième étage ont le même coût de revient pour le bailleur et différencier le loyer ainsi n'a aucun sens», dit-elle.