LausannePrison ferme après une agression homophobe et misogyne
Un jeune gay et ses deux amies avaient été violemment attaqués par deux individus en octobre 2019 dans un célèbre club. Témoignages après la condamnation pénale.
«Depuis cette nuit-là, dès qu’un homme m’approche trop près, je me sens mal et j’ai peur qu’il me touche.» À 22 ans, Sabrina conserve des séquelles de l’agression subie un samedi soir au MAD à Lausanne. Son seul tort: avoir pris la défense de son ami Valentin, insulté et bousculé par deux frères irakiens assis à côté d’eux.
Aux urgences du CHUV
«Hey, sale pédé, dégage! Tu n’as rien à faire ici», peut-on lire dans le compte rendu de l’ordonnance pénale. Oser tenir tête à leurs agresseurs leur a valu un déluge de violence: Valentin a notamment reçu un verre en plastique rempli au visage, une bouteille de vodka a atteint en pleine face Sabrina, lui causant une plaie ouverte, et une autre amie s’est fait empoigner par la gorge. Quand les vigiles sont intervenus, ils ont fait venir la police et Sabrina a été prise en charge par des samaritains sur place. Elle a ensuite été amenée aux urgences du CHUV pour subir dix points de suture, puis un arrêt de travail d’une semaine.
Les trois amis tabassés ont ensuite eu la surprise de découvrir que leurs agresseurs, aux riches antécédents pénaux, avaient aussi porté plainte contre eux. La condamnation des deux frères est tombée fin octobre: coupables de voies de fait et d’injures. Le plus violent devra faire 60 jours de prison sans sursis, et l’autre écope de 45 jours-amende (à 30 fr. le jour).
Souvent harcelée en ville
Habituée à se faire harceler en ville, souvent abordée sans respect puis insultée, Sabrina s’étonne d’une telle méchanceté gratuite lors de cette nuit en discothèque. Quant à Valentin, il dénonce aussi la passivité des témoins de l’agression: «Je refuse de céder à la peur et je reste moi-même, mais je suis désormais plus prudent en boîte, par rapport à l’attitude et les regards des autres sur moi», confie-t-il, tout en regrettant une société encore «arriérée, qui rejette la différence».
«Le MAD est très attaché à la communauté gay.»
Codirecteur du MAD, Olivier Fatton tient à préciser que son club est «particulièrement attaché à la communauté gay, par ailleurs très représentée» au sein de son personnel et de sa clientèle: «Notre engagement pour la cause homosexuelle ne remonte pas à hier. Il est même l’un des piliers de la création du MAD en 1985.»
Il dit se réjouir de cette décision de justice. «La victime a aussitôt été prise en charge par nos samaritains cette nuit-là, la police appelée et les agresseurs lui ont été remis, décrit Olivier Fatton. Nous avons incité la victime à porter plainte, comme à chaque fois. Nous regrettons bien évidemment ce qui lui est arrivé. Les agressions restent fort heureusement rarissimes au MAD, qui accueille plus de 250’000 personnes chaque année.» Il souligne aussi la formation et le professionnalisme de ses vigiles.
Loi pénale pas rétroactive
Les électeurs avaient accepté à 63,1% en votation la criminalisation de l’homophobie en février 2020. Mais cette norme est entrée en vigueur l’été passé dans le Code pénal, soit après l’agression au MAD. Et une nouvelle loi ne peut pas s’appliquer rétroactivement. Avocate de Sabrina, Me Charlotte Iselin précise que, si elle l’avait été, la peine maximale encourue aurait été plus lourde (jusqu’à 3 ans de prison) que celle retenue pour injures notamment, soit une peine pécuniaire de 90 jours-amende au plus.