RDCPlus de 100 morts à Goma, désormais largement aux mains du M23
Le groupe armé M23 et ses alliés rwandais semblent mardi avoir pris le contrôle de Goma, dans l’est de la RDC, en faisant plus de 100 morts.
D’intenses combats ont laissé des rues jonchées de cadavres à Goma, principale ville de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), déjà largement aux mains du groupe armé antigouvernemental M23 et des troupes rwandaises qui ont conquis mardi l’aéroport, moins de deux jours après leur entrée dans la ville.
À Kinshasa, des manifestants en colère ont attaqué plusieurs ambassades, dont celles du Rwanda accusé par les autorités congolaises de leur avoir «déclaré la guerre», du Kenya et aussi de la France, de la Belgique et des États-Unis, des pays critiqués pour leur inaction dans cette crise.
Les États-Unis ont réagi dans la foulée en appelant leurs ressortissants à quitter la RDC, tandis que l’Union européenne a jugé ces attaques «inacceptables». Pour tenter de dénouer la crise, le Kenya a convoqué mercredi une rencontre entre les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame.
«Cessez-le-feu immédiat»
Le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio a appelé mardi à un «cessez-le-feu immédiat» en RDC, alors que l’ambassadeur chinois à l’ONU a appelé mardi le Rwanda à entendre les demandes qui se multiplient de ne plus soutenir le M23.
Le président rwandais Paul Kagame a salué mercredi une «conversation productive» avec Marco Rubio sur la «nécessité d’assurer un cessez-le-feu dans l’est de la RDC et de s’attaquer aux causes profondes du conflit une fois pour toutes».
Le nouveau secrétaire d’État américain a lors d’un appel avec le président rwandais «exhorté à un cessez-le-feu immédiat dans la région et à ce que toutes les parties respectent l’intégrité territoriale souveraine» de la RDC, a indiqué le département d’État dans un communiqué.
Le président rwandais Paul Kagame a dans la nuit salué une «conversation productive» avec Marco Rubio sur X, soulignant avoir abordé la «nécessité d’assurer un cessez-le-feu dans l’est de la RDC et de s’attaquer aux causes profondes du conflit une fois pour toutes».
Plus de 100 morts
L’est de la RDC est secoué par des conflits entre groupes armés, en particulier depuis le génocide rwandais de 1994, qui a exacerbé les tensions entre la RDC et le Rwanda, notamment autour de Goma, adossée au Lac Kivu et à la frontière rwandaise. Kinshasa accuse Kigali de vouloir piller les nombreuses richesses naturelles de la région, alors que le Rwanda, qui dément, dénonce la présence côté congolais de groupes qui lui sont hostiles.
Mardi, le M23 et les soldats rwandais semblaient avoir largement pris le contrôle de Goma, cité de plus d’un million d’habitants et presque autant de déplacés. Et ce deux jours après y être entrés, point d’orgue d’une progression éclair de quelques semaines lancée après l’échec mi-décembre d’une médiation RDC-Rwanda sous l’égide de l’Angola.
Intenses lundi, les tirs et bombardements ont largement baissé au fil de la journée, jusqu’à n’être plus que sporadiques dans la soirée, selon des journalistes de l’AFP sur place. Plus de 100 morts et près d’un millier de blessées ont été conduits dans les hôpitaux de Goma au cours des trois derniers jours d’affrontements, selon un nouveau décompte de l’AFP établi mardi soir à partir des bilans hospitaliers.
«Déluge de feu»
Le M23 – qui depuis sa résurgence fin 2021 s’est emparé de vastes pans de territoires dans la province du Nord-Kivu, dont Goma est la capitale – et ses alliés des forces rwandaises ont pris mardi le contrôle de l’aéroport, a annoncé à l’AFP une source sécuritaire, renforçant l’impression d’une chute imminente de la totalité de la ville.
Le gouvernorat, siège de l’autorité provinciale, est également occupé, a constaté un journaliste de l’AFP. «Plus de 1200 militaires congolais se sont rendus et sont cantonnés dans une base de la Monusco (mission de l’ONU en RDC) à l’aéroport», a ajouté cette source. «Goma s’apprête à tomber», avait prévenu dès lundi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
Mardi, les combattants du M23 étaient postés devant le gouvernorat, a constaté l’AFP. Selon des habitants, ils sont disciplinés mais demandent aux civils de leur montrer leurs épaules nues, traquant d’éventuelles marques de sangle de fusil laissées sur la peau.
Cloîtrés chez eux lundi, certains sous le «déluge de feu» des combats, notamment dans le centre-ville, les habitants ont timidement réarpenté les rues de la ville mardi entre miliciens du M23 triomphants et soldats congolais en débandade, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Viols, pillages et pénuries
De nombreux cadavres de soldats ou de civils gisaient dans les rues, où des habitants pressaient le pas vers les entrepôts de denrées alimentaires et produits de première nécessité, alors que l’eau et l’électricité sont coupées dans toute la ville.
Viols, pillages, pénuries alimentaires, risque de dissémination du virus Ebola, du choléra ou de la rougeole… les combats ont bien d’autres conséquences dévastatrices à Goma et dans ses environs, ont souligné l’ONU et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).
Plusieurs affrontements ont été signalés le long de la frontière lundi, notamment dans les environs de Gisenyi – au Rwanda – où 5 civils ont été tués et 25 personnes grièvement blessées, a indiqué l’armée rwandaise, sans fournir d’éclaircissements sur les circonstances.
Une responsable de la mission de maintien de la paix de l’ONU en République démocratique du Congo (Monusco, déployée en appui des forces congolaises), Vivian van de Perre, a mis en garde mardi contre les risques d’attaques sur des bases «ethniques» dans l’est de la RDC.