Parlement suisseRendre gratuits capotes, dépistages et vaccins: objectif «zéro infection»
Une motion demande que l’assurance maladie de base prenne en charge les moyens préventifs mais aussi que les tests de dépistage puissent être remboursés hors franchise et quote-part.

Le prix ne suffira pas à lui seul à influer sur la circulation des infections sexuellement transmissibles.
Getty Images«Ensemble à Gauche veut que la Suisse se fixe un objectif de zéro nouvelle infection au VIH». L’idée est ambitieuse, la proposition qui l’accompagne tout autant: que l’assurance maladie de base prenne en charge tous les moyens préventifs contre les infections sexuellement transmissibles. Et pas seulement les préservatifs, mais aussi la PrEP, des comprimés qui empêchent une infection au VIH, ou encore les vaccins contre les papillomavirus ou l’hépatite B.
Le prix peut être un frein
«Les pays, régions ou villes ayant connu les plus importantes baisses du nombre de nouvelles infections au VIH sont ceux qui ont mis en place des programmes de santé publique alliant gratuité des divers moyens de réduction des risques et de dépistage», relève Stéfanie Prezioso (EàG/GE), qui a déposé la motion la semaine dernière.
Les tests de dépistage sont déjà pris en charge par l’assurance de base, l’élue propose donc qu’ils soient remboursés hors franchise. L’idée peut être intéressante, juge Florent Jouinot, coordinateur de l’Aide Suisse contre le Sida, notamment les personnes qui ont des franchises élevées, par exemple les jeunes qui ont une plus grande activité sexuelle, les exposant de fait aux infections. «Le prix peut être un frein», dit-il. Par contre, agir sur les coûts pour les personnes ne fera pas tout.
Le prix, levier insuffisant
«En France, les dépistages et les traitements, aussi préventifs, sont gratuits, sans que cela n’ait permis d’impacter significativement la situation épidémique», note Florent Jouinot. Le prix des dépistages n’est qu’un des aspects: qu’ils soient gratuits ou non, les infections continueront à se transmettre tant qu’on ne réussira pas à atteindre toutes les personnes qui devraient en faire, mais qui ne se sentent pas concernées. Le travail de prévention et le soutien aux campagnes d’information relèveraient donc d’une importance capitale, en plus de celui des coûts.
Prise en charge de la prévention
Quant à savoir si la proposition a une chance politiquement, il est à noter que le Conseil fédéral a déjà plusieurs fois refusé de rembourser le préservatif, par exemple, dans le cadre de demandes similaires en lien avec la contraception, arguant qu’il ne sert «ni à prévenir ni à traiter une maladie».
Or ici, la demande est faite avec une orientation de prévention des infections. La loi sur l’assurance obligatoire des soins prévoit effectivement de prendre en charge «des mesures préventives en faveur d’assurés particulièrement menacés», ce qui laisse une marge d’interprétation.
Des économies pour plus tard
Restera également, pour les défenseurs de cette politique, à convaincre des Suisses toujours très attachés à la responsabilité individuelle. «Ces investissements vaudraient la peine, et seraient, en plus, transitoires. On peut ainsi s’épargner des frais sur des décennies», relève Florent Jouinot.
Le comprimé de l’espoir?
La prophylaxie préexposition (PrEP) est de plus en plus utilisée en Suisse, et pourrait le devenir encore plus. La prise de comprimés, régulière ou ponctuelle, permet de faire barrière efficacement à des infections au VIH lors de rapports sexuels. Jusqu’à il y a peu, la Suisse restreignait la vente des génériques de ce médicament et les coûts en étaient très élevés, puisqu’il ne peut être pris que via un suivi médical. Désormais, une boîte de 30 comprimés coûte 65 francs, soit dix fois moins qu’auparavant. Même chose que pour les dépistages: le remboursement par l’assurance aiderait dans certains cas, mais l’enjeu sera également de pouvoir atteindre et faire se sentir concernées les personnes pour qui le traitement est pertinent.