Satigny (GE)Un énorme incendie de déchets et un suspect: le lithium
Le centre de recyclage Serbeco SA est en proie aux flammes depuis jeudi après-midi. Un important dispositif de pompiers sera sur place encore une bonne partie de la nuit. Le patron pousse un coup de gueule.
L'épaisse fumée était visible loin à la ronde. Plusieurs dizaines de tonnes de déchets ont pris feu ce jeudi en fin d'après-midi et brûlaient encore en soirée à l’usine de recyclage Serbeco, dans la zone industrielle du Bois-de-Bay, à Satigny.
Une alarme automatique, actionnée par des capteurs thermiques, s’est déclenchée à 17h35. En ce jour de fête nationale, aucun ouvrier ne se trouvait sur les lieux au moment du départ du feu. À leur arrivée, les pompiers ont fait face à «un incendie en plein développement, très fumigène et de grande dimension, d’une surface au sol de 400 mètres carrés», a expliqué le premier lieutenant Nicolas Millot, officier de communication du Service d’incendie et de secours (SIS). À 20h, d’immenses tas «d’encombrants en attente de prétri, constitués de bois, de métal, de carton, de plastique», selon la description du directeur des lieux, Bertrand Girod, continuaient à se consumer.
«Prolifération d'incidents dus au lithium»
L’homme est remonté. «Dans la branche, nous faisons face à une prolifération de ce type d’incidents. Elle est directement liée à la présence massive de piles et de batteries au lithium. En fin de vie, les objets qui les contiennent finissent le plus souvent avec les déchets mélangés. On hérite de ce problème dont on n’est pas responsable. On est arrivé au bout de ce qu’on pouvait faire.»
Les puffs montrées du doigt
Bertrand Girod énumère tous les objets qui contiennent du lithium: «Les écouteurs sans fil, les caméras, les cartes de vœux musicales. Tout ce qui est portatif et fait du bruit et de la lumière. Mais aussi les batteries de vélos, de trottinettes électriques. Et les puffs, qui normalement devraient être ramenées aux buralistes.» Il explique que piles et batteries peuvent s’enflammer à la suite d’un défaut ou d’un simple choc, «même plusieurs mois après».
«Trois départs de feu par mois»
L’usine Serbeco de Satigny a déjà connu un incendie «très important» il y a dix ans, et un autre, «significatif», en juin 2023. Mais ça, ce sont les sinistres pour lesquels les pompiers se sont déplacés. «Il y a aussi ceux que nous maîtrisons nous-mêmes durant l’exploitation. Il y a cinq ans, nous avions trois départs de feu par an. Là, c'est trois par mois. Si ça continue, dans deux ans, ce sera trois par semaine.»
«Les pouvoirs publics doivent informer»
Le directeur, qui explique que les assurances se désengagent et refusent désormais d’intervenir dans la branche, ou alors avec des prix prohibitifs - «la nôtre ne prend plus de clients, notre franchise a été multipliée par 20 et atteint 1 million, alors que la prime a été quintuplée» -, en appelle aux pouvoirs publics. «Nous voulons qu’ils informent les gens. Qui sait qu’on ne peut pas mettre les puffs à la poubelle, par exemple? Il faut aussi que les magasins acceptent les objets en retour. Nous désirons de l’argent pour faire progresser les techniques de détection. Et la Confédération doit mettre sur pied un fonds pour pallier le retrait des assurances. Le recyclage des déchets est une tâche d’utilité publique.»
Septante personnes mobilisées
Derrière lui, les pompiers continuent à s’affairer. Entre les sapeurs professionnels, les volontaires de Satigny et de Vernier, les samaritains et les policiers, quelque 70 personnes sont mobilisées. Elles travailleront toute la nuit: un tel incendie, même s’il n’a causé ni blessé ni dégâts autre que des déchets, met des heures à être maîtrisé. Une enquête devra déterminer l'origine du sinistre. «Mais lorsqu'il s'agit de feux qu'on gère nous-mêmes, dans 99% des cas, des batteries en sont la cause», insiste Bertrand Girod.