GenèveAmbulancier condamné pour avoir bâillonné une patiente
Un secouriste a scotché un masque Covid sur la bouche d’une femme en crise. Elle a porté plainte.

La réaction du secouriste dans l’ambulance a été jugée autoritaire.
Getty ImagesUn ambulancier qui avait usé d’un «système D» peu adéquat pour maîtriser une patiente agitée a été condamné pour voies de fait, en juin dernier. L’épisode remonte au début de l’été 2021. Une habitante du Grand-Lancy, en pleine crise, avait appelé les services d’urgence pour s’éviter le pire. Elle avait en effet des idées suicidaires accompagnées d’angoisses. Deux policiers se sont dépêchés sur place. Ils ont constaté que la Lancéenne était alcoolisée et extrêmement agitée, tenant des propos incohérents. Les agents l’ont menottée pour la sortir de chez elle, puis l’ambulance est arrivée.
Le secouriste condamné l’a fait monter dans son véhicule sans problème. Mais là, la patiente a tenté de cracher sur un policier. Le soignant l’a alors prévenue qu’il lui mettrait un masque chirurgical sur la bouche si elle ne cessait pas. La voyant recommencer, il a placé le masque, qu’elle a déplacé en le mordillant, pour cracher de nouveau. Cette fois, l’ambulancier s’est saisi d’adhésif cutané et a fait deux tours autour de la tête de la victime, maintenant ainsi le masque en place sur son nez et sa bouche. Durant le trajet direction les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), le secouriste a dégagé le nez de la femme en crise, qui hurlait entre autres insultes qu’elle ne pouvait pas respirer.
«Choqués et ébahis»
L’état dans lequel est arrivée cette patiente avait inquiété l’infirmière qui l’a prise en charge aux HUG. Cette dernière, qui a remarqué que le scotch passait entre les lèvres, l’a immédiatement ôté. Dans le cadre de l’enquête du Ministère public, les HUG ont fourni un document rassemblant les correspondances entre l’hôpital et le service d’ambulance, intitulé «Rapport d’événement indésirable grave». Le personnel soignant des HUG s’est montré «choqué et ébahi» lorsque la victime est arrivée à l’hôpital. L’attitude de l’ambulancier est jugée inadéquate, les propos rapportés suggérant qu’il avait perdu son sang-froid après que la patiente a craché et adopté une attitude «autoritaire, voire punitive», pour y faire face.
Le rapport des HUG suggère que la victime aurait pu être installée sur le brancard pour éviter aux intervenants d’être touchés par ses crachats. Le masque, qui plus est scotché, n’avait rien à voir avec une mesure prise pour lutter contre la pandémie du Covid et était «absolument contraire aux bonnes pratiques et à la déontologie ambulancière». En plus de la gêne respiratoire, le fait que la patiente ait été fortement alcoolisée présentait un risque majeur de «broncho-aspiration massive» en cas de vomissement, soit que du liquide provenant de l’estomac passe dans ses poumons.
Humiliation
La patiente a surtout jugé la pratique humiliante, affirmant que «personne n’a le droit de faire le tour de sa tête avec du scotch». Le rapport fourni par les HUG ajoute que cette mesure a porté atteinte à la dignité de cette femme, en situation de précarité et de fragilité psychologique. L’ambulancier a été condamné par le procureur général à payer une amende de 500 francs, à laquelle il n’a pas fait opposition. La condamnation a été communiquée au médecin cantonal.