
Skinnytok s'est, entre autres, approprié une fameuse citation de Kate Moss: «Rien n'a aussi bon goût que de se sentir maigre.»
tiktok/mari_smith#skinnytokRetour en force de l'apologie de la minceur sur TikTok
Une experte tire la sonnette d'alarme face aux milliers de vidéos qui circulent sur TikTok. Le hashtag #skinnytok vante la maigreur extrême.
Sur TikTok, des vidéos fédérées par le hashtag #skinnytok présentent des femmes, pour la plupart, qui donnent des conseils pour perdre du poids. En fait, il ne s'agit pas de conseils pour adopter une alimentation saine ou motiver à faire du sport: les vidéos appellent à se rassasier avec de l'eau, à manger des demi-portions et à réfléchir constamment à son image corporelle. Pour devenir mince, il faut donc avant tout une chose: avoir l'état d'esprit de la «skinny-girl».
Maigrir avec des mantras brutaux
«Pourquoi tu manges un truc en guise de récompense? Tu n'es pas un chien», est un mantra de SkinnyTok dont on doit se souvenir avant d'ouvrir le frigo. «C'est une stratégie pour aborder le sujet sous un autre angle. Cela minimise le problème et suggère qu'un trouble alimentaire n'est pas une vraie maladie», explique Martina Papadellis, conseillère du groupe de travail suisse sur les troubles alimentaires AES (Arbeitsgemeinschaft Ess-Störungen).
Elle tient d'ailleurs à préciser qu'un trouble alimentaire est une maladie psychique qui peut être mortelle, comparable à une addiction. «Sauf que dans ce cas, la drogue, c'est la nourriture qu'elle soit trop abondante, insuffisante ou unilatérale», détaille Martina Papadellis. Selon elle, le contrôle de la nourriture est une façon de gérer autre chose que l'on ne contrôle pas.
Marina Zalie est considérée comme celle qui a lancé SkinnyTok. Avec des titres tels que «Eat small to be small. Eat big to be big» («Mange peu si tu veux être mince. Mange beaucoup si tu veux être grosse»), elle partage son savoir avec près d'un million de followers. Dans les commentaires, elle récolte surtout des éloges et beaucoup la remercient pour ses conseils.
Ce qui frappe, c'est que les skinnytokeuses les plus célèbres ont généralement la trentaine. «Au début des années 2000, c'est-à-dire à l'époque où ces femmes étaient adolescentes, cet état d'esprit existait déjà», explique Martina Papadellis. Selon l'experte, les troubles alimentaires se manifestent souvent par vagues, à la puberté, puis plus tard, lorsqu'il est question de famille ou de réorientation dans la vie. «Aujourd'hui, elles disposent d'une plateforme pour transmettre leurs convictions.»
Certaines choses restent cachées
Mais il serait trop facile de rejeter toute la faute sur les réseaux sociaux. «Une maladie de ce genre est due à de nombreux facteurs, comme la famille, les expériences vécues ou la résilience psychique», explique Martina Papadellis. «Dans le doute, les personnes qui publient de tels contenus sont malades. Il est d'autant plus important d'informer les jeunes sur ce que sont réellement une alimentation saine et une image corporelle saine», explique l'experte. La prévention doit d'ailleurs commencer beaucoup plus tôt qu'on ne le pense: «Mon plus jeune patient avait 9 ans», dit-elle.
Il faut, par ailleurs, aider les jeunes à faire la différence entre la fiction et la réalité. «Les followers ne perçoivent qu'une infime partie de la vie des influenceurs. Ces derniers se cachent bien de montrer le vêtement gainant sous leur T-shirt», explique Martina Papadellis. Ce n'est qu'en remettant en question les normes irréalistes que l'on pourra empêcher la poursuite de la normalisation des troubles alimentaires.
Concerné·e par des troubles de l'alimentation?
Ciao.ch (11-20 ans), ontécoute.ch (18-25 ans)