Sortie du documentaire: «Credit Suisse a été littéralement pillée de l’intérieur»

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Sortie du documentaire«Credit Suisse a été littéralement pillée de l’intérieur»

«Game Over: la chute de Credit Suisse» s’invite dès le 26 mars au cinéma. Le journaliste d’investigation Arthur Rutishauser a participé à la réalisation du film.

Le 19 mars 2023, un dimanche de printemps tout à fait banal, l’impensable se produit: l’ancienne fierté nationale qu’était la banque Credit Suisse touche le fond avant d'être rachetée par UBS. Deux ans plus tard, l'affaire tient son documentaire, sorti en salle le 26 mars.

Signé par le réalisateur Simon Helbling («The Pressure Game - Au cœur de la Nati»), «Game Over: la chute de Credit Suisse» retrace les événements du point de vue des cadres impliqués en se basant sur les recherches d'Arthur Rutishauser, journaliste d'investigation et rédacteur en chef de la «SonntagsZeitung».

Monsieur Rutishauser, le titre «Game Over» laisse entendre qu’on a joué avec la banque.
C’est bien l’une des conclusions de notre enquête. Dès 2010, CS n’avait plus de vrai modèle économique pour générer des revenus sérieux. Du coup, ils ont pris des risques toujours plus élevés – et perdu encore plus d’argent.

Votre enquête a dû rencontrer pas mal d’obstacles...
Oui, bien sûr, notamment des menaces juridiques quand j’ai contacté certains anciens dirigeants. Ainsi que des avertissements pour prétendue atteinte à la personnalité et des tentatives d’intimidation. Mais c’est le jeu.

Cela ne vous a-t-il pas freiné?
Non. J'ai pu parler avec la plupart, au moins en off. Seul Urs Rohner a refusé. C’est probablement le personnage le plus délicat, car il incarne pour beaucoup la débâcle de CS, même s’il n’était plus là à la toute fin.

Le rédacteur en chef de la «SonntagsZeitung», Arthur Rutishauser, a retracé les événements qui ont entouré la chute de Credit Suisse dans un livre.

Le rédacteur en chef de la «SonntagsZeitung», Arthur Rutishauser, a retracé les événements qui ont entouré la chute de Credit Suisse dans un livre.

Contrast Film

Comment avez-vous convaincu les autres?
Souvent, il a fallu de longues négociations, beaucoup d’allers-retours. Mais quand un certain climat de confiance s’est installé, certains ont accepté de parler.

Certains ont-ils voulu se dédouaner?
Évidemment. Ils ont tous essayé. Certains avaient même fait des présentations PowerPoint. (rires)

Êtes-vous satisfait du résultat?
Oui, je suis convaincu qu’on raconte une histoire passionnante. On a pu parler directement avec des personnes de toutes les directions générales depuis l’affaire de Chiasso en 1977. La banque avait perdu environ cinq milliards de francs et n’a survécu que grâce à la BNS. On nous a livré des témoignages de première main sur ce qui s’est vraiment passé à l’intérieur.

«Un pays entier ruiné par la cupidité de quelques banquiers. Et tout le monde le savait»

Arthur Rutishauser

Et ensuite?
On voit ce qu’ils en ont fait: l’entreprise s’est internationalisée, a grossi de manière démesurée, au point de frôler une première fois l’effondrement vers 2002. Puis dès 2007, Credit Suisse a été littéralement pillée de l’intérieur. Une communauté d’environ 1500 personnes touchait chacune au moins un million de francs par an, même quand la banque était déficitaire. C’est ainsi qu’elle a été vidée peu à peu.

Vous avez mené des centaines d’heures d’interviews. Qu’est-ce qui vous a le plus choqué?
L’impudence avec laquelle on contournait la loi, notamment en matière de blanchiment. Rien qu’avec les relations commerciales avec des criminels, la banque a perdu 22 milliards de francs. L’exemple du Mozambique m’a sidéré: un pays entier ruiné par la cupidité de quelques banquiers de CS. Et tout le monde le savait. Le plus choquant, c'est qu'une personne seulement a exprimé des regrets en off. Personne n’assume.

Financé grâce à la Lex Netflix

Ce projet documentaire est unique dans sa forme de collaboration. Il a été lancé par Tamedia et la «SonntagsZeitung» tandis que la production est assurée par l'entreprise suisse Contrast Film. À noter que le projet est financé notamment grâce à la loi sur le cinéma, dite «Lex Netflix», approuvée dans les urnes en mai 2022. Celle-ci oblige les plateformes de streaming à investir 4% de leur chiffre d’affaires réalisé en Suisse dans la création cinématographique helvétique.

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