SuisseLes langues nationales, des outsiders face au trend de l'anglais
L'anglais sera bientôt la deuxième langue la plus utilisée en Suisse, selon la «Neue Zürcher Zeitung». Un professeur genevois confirme la tendance, mais appelle à ne pas caricaturer.

L'apprentissage de l'anglais est toujours plus apprécié aussi dans les écoles (image d'illustration).
TamediaUn opticien zurichois dont le personnel, venu de Londres en renfort, ne sait que l'anglais. Voici à quoi a été confronté un lecteur de la «Neue Zürcher Zeitung». Le quotidien alémanique considère ce lundi que cette anecdote illustre une tendance qui imprègne toujours plus le quotidien des Suisses. A tel point que l'anglais serait en passe de devenir la deuxième langue nationale après l'allemand.
Un sondage de l'Office fédéral de la statistique (OFS) montre qu'en 2022, 11,8% des Genevois et 9,1% des Vaudois disent parler principalement l'anglais. A Bâle-Ville, cette proportion est de 12,5%, à Zurich de 10,8% et à Zoug de plus de 14%. D'autres chiffres de l'OFS, datant de 2019, révèlent que trois quarts des 15-24 ans se confrontent d'une manière ou d'une autre au moins une fois par semaine à l'anglais au travers par exemple de séries ou des réseaux sociaux. Tous âges et toutes régions linguistiques confondus, l'anglais était en 2019 la langue non nationale la plus fréquemment utilisée par 45% de la population en Suisse.
Gare au «sensationnalisme»
Auteur d'une récente étude sur l'enseignement bilingue en Suisse, le professeur de l'Université de Genève Daniel Elmiger confirme l'intérêt croissant des habitants de Suisse pour l'anglais, mais met en garde contre toute forme de «sensationnalisme».
L'exemple de l'opticien zurichois n'est pas la règle selon lui: «C'est peut-être possible pour un remplacement dans un magasin de luxe, mais on ne peut guère vivre et travailler à Zurich sans un minimum de connaissances en allemand.» Il souligne aussi que l'anglais ne menace pas les langues principales dans les régions concernées. Au contraire: le français, l'allemand et l'italien ont même tendance à se renforcer en Romandie, en Suisse alémanique et au Tessin.
Les alémaniques plus réticents?
L'enseignement bilingue se démocratise en Suisse, mais l'anglais reste la langue la plus prisée de ces cursus, en particulier dans les cantons monolingues. «Il n'y a pas vraiment d'enthousiasme à apprendre le français à Zurich ou l'allemand à Genève», résume Daniel Elmiger. A Fribourg, Berne ou en Valais, l'apprentissage des autres langues nationales est plus fréquent. Une initiative dans le canton de Zurich voulait faire primer l'anglais sur le français à l'école primaire, mais a échoué en 2017 lors de votations. La Suisse orientale est souvent critiquée sur cette question, mais le professeur genevois tient à nuancer: «On fait la leçon aux cantons alémaniques sur l'apprentissage du français, mais est-ce qu'on est vraiment meilleur en Romandie avec l'allemand?»