Pénurie de médecins: un Master divise les universités

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SuisseMaster réservé aux médecins de famille: Röstigraben en vue

Pour lutter contre la pénurie de médecins généralistes, des élus zurichois veulent une formation ciblée. Les universités de Lausanne et Genève sont sceptiques.

De nombreux médecins de famille seront bientôt à la retraite et la relève manque en Suisse.

De nombreux médecins de famille seront bientôt à la retraite et la relève manque en Suisse.

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Les médecins généralistes manquent de relève en Suisse. Pour tenter de lutter contre la pénurie, deux élus PLR du Grand Conseil zurichois proposent la création d'une filière en médecine menant jusqu'au Master dédiée spécifiquement aux médecins de famille, relate le «Tages-Anzeiger». Environ 35% des étudiants commencent leur cursus en envisageant d'ouvrir leur cabinet de généraliste, mais, à la fin de leur parcours, ils ne sont plus que 10% à le faire, constate le député Reto Agosti, lui-même neurologue.

Il rêve d'une formation axée sur la réalité du métier, inspiré de l'apprentissage, qui permettrait aux étudiants de garder le cap. Cette idée est soutenue par des élus de gauche comme de droite. L'Université de Zurich et l'EPFZ y sont aussi favorables. Les deux élus PLR disent être prêts à toquer à la porte du Parlement fédéral pour vendre leur projet, si rien ne bouge dans leur canton.

«Probablement voué à l'échec»

Pierre-Alexandre Bart, directeur de l'école de médecine à l'Université de Lausanne, est conscient que l'attrait pour la médecine générale doit être renforcé lors de la formation, mais il pense que séparer les filières est «probablement voué à l'échec». Cantonner, dès la première année, les futurs médecins à une seule voie ne garantirait pas qu'il y ait plus de 10% des étudiants qui s'intéressent au final à la médecine générale, «car peu d’étudiants sont déterminés sur leur futur à ce stade».

Il prône donc une approche intégrée au cursus habituel, qui insiste davantage sur les réalités des médecins de famille. L'UNIL travaille actuellement sur un projet concret allant dans ce sens. Pierre-Alexandre Bart ajoute qu'il ne suffit sans doute pas de former davantage de diplômés en médecine, mais qu'il faut aussi revaloriser le métier en «adaptant les structures d’activité, en rémunérant mieux les généralistes et en améliorant aussi leurs conditions de travail en aval des études».

L’UNIGE pas convaincue non plus

Créer une filière spéciale en médecine de famille n'aurait guère de sens, selon l'Université de Genève (UNIGE).«Elle n’attirerait que les étudiants qui se destinent dès le départ à cette spécialité», explique la Prof. Dagmar Haller, codirectrice du Centre de médecine de premier recours (CeMPR). Sur le principe de «on ne choisit que ce que l’on connaît», une «immersion renforcée en cours d’études permet de susciter davantage de vocations». Plusieurs projets pilotes sont ainsi en cours depuis l’an dernier. Le CeMPR propose un cursus qui accorde une part importante à la formation en cabinet privé, dès l’entrée à l’université. Issue d’un partenariat public-privé, une mention au Master de médecine humaine permet aux étudiants d'effectuer un tiers d’enseignement clinique auprès de médecins de famille. Enfin, les postgrades ne sont pas oubliés: le Canton finance depuis 2024 des stages pour jeunes praticiens auprès de généralistes et pédiatres privés. Ces opportunités sont pour l'heure plébiscitées, d’après l’Unige.

La pénurie en chiffres

Un médecin de famille sur six en exercice en Suisse a dépassé l'âge de la retraite. L'âge moyen des généralistes est de 55 ans. Dans dix ans, près de la moitié des généralistes cesseront leur activité en raison de leur âge. L'Association des médecins de famille et de l'enfance Suisse (MFE) estiment que plus de 94% des problèmes de santé peuvent être pris en charge par les médecins de famille, alors qu'ils ne génèrent que 8% des coûts de la santé.

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