Lausanne: des experts critiquent la gestion du sans-abrisme

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Suisse romandeLa gestion du sans-abrisme est «inadaptée», dénoncent les experts

Les acteurs de toute la Suisse romande sont réunis à Lausanne pour rapprocher la réalité du terrain des décisions politiques. Certaines communes ont déjà fait des pas.

Le Sleep-In, à Lausanne, accueille des personnes sans domicile fixe depuis plus de trente ans. Son modèle a inspiré d'autres villes.

Le Sleep-In, à Lausanne, accueille des personnes sans domicile fixe depuis plus de trente ans. Son modèle a inspiré d'autres villes.

Marino Trotta/Ville de Lausanne

«On a souvent l'image des personnes sans-abri comme des marginaux, responsables de leur situation issue de mauvaises décisions. Pourtant, c'est l'inverse. Et c’est déprimant de voir que les politiques publiques ne reflètent pas la recherche sur le terrain.» Hélène Martin, professeure à la Haute École de travail social de Lausanne (HETSL), donne le ton à l'ouverture du premier Forum romand du sans-abrisme, à Lausanne. Cette rencontre, qui fait salle comble, de chercheurs, de travailleurs et d'institutions, fait suite aux occupations du collectif militant 43m2 à Beaulieu, au Théâtre de Vidy et dans les jardins de la HETSL pour tirer la sonnette d'alarme sur la politique du sans-abrisme, que beaucoup dans la branche décrivent comme «inadaptée».

«L'écrasante majorité des sans-abri travaille»

Le problème, relèvent les spécialistes, c'est notamment une gestion fondée sur l'urgence et la criminalisation. Les bénéficiaires ne savent jamais s'ils auront un lieu pour dormir, doivent traverser la ville pour aller se doucher, reçoivent des amendes, vivent en vigilance constante et finissent même parfois par se détourner de l'offre, à grands risques - c'est notamment le cas de nombreuses femmes, souligne Frédérique Leresche, chercheuse à la HETS Fribourg.

«Il faut démonter le cliché de l'oisiveté, complète Val, membre du collectif RageKit et employé du Sleep-In. L'écrasante majorité des sans-abri travaillent, ils font des ménages, la plonge, rénovent nos ponts - tout le monde en profite et ils répondent aux logiques du marché. Mais ils sont piégés dans la boucle selon laquelle il faut un CDI pour avoir un permis, qui permet d'avoir un appart, pour avoir une adresse, qui permet d'avoir un CDI. Et ça à l'heure où les employeurs essaient de maîtriser les coûts.»

Les dispositifs évoluent

Ces réalités commencent toutefois à faire du chemin dans les politiques publiques (lire ci-dessous). Pour poursuivre ce rapprochement, le collectif 43m2 a analysé - et confirmé - le lien entre ses actions militantes et ses résultats concrets, et compte mettre à la disposition des communes des outils pour poursuivre cette évolution.

«Nous voulons contribuer»

rmf

Un collectif de personnes sans-abri majoritairement originaires du Biafra, au Nigeria, où ils disent ne pas être en sécurité, a pris la parole jeudi. «L'immigration ne peut pas être arrêtée, les gens partent pour sauver leur vie, expliquent-ils. Les personnes migrantes sont perçues comme la cause de tous les problèmes, mais le système nous empêche de contribuer à la société. S'il nous est donné le droit de travailler, nous contribuerons, nous serions même heureux de payer des impôts.»

Les nuitées ont augmenté

Face à une «situation dramatique», Neuchâtel vient d'annoncer la création d'une structure d'accueil. Genève et Lausanne ont abandonné la politique du thermomètre, soit l'accueil élargi en hiver, et augmentent leur capacité, bien qu'insuffisamment aux yeux des militants. Lausanne, par exemple, a augmenté ses nuitées de 33% et cherche à remplacer un abri PC par une solution plus digne. La Ville développe aussi des hébergements d'urgence de transition visant à la réinsertion. «En 2024, 34 nouvelles personnes ont été accueillies, dont 30 ont pu régulariser leur situation, et 26 ont pu accéder à une solution de logement pérenne», précise Émilie Moeschler, municipale chargée de la Cohésion sociale. Sans oublier un accueil de jour, une permanence médicale, des cours de français gratuits et un dispositif de 590 logements pour ceux sur le point de perdre le leur.

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