SuisseRuée sur les armes par passion du tir et une éventuelle guerre
La demande de permis d'acquisition d'armes a explosé en Suisse, portée par un sentiment d’insécurité croissant et le regain d'intérêt pour le tir sportif.

La police parle d'un sentiment d'insécurité, tandis que les armuriers parlent d'un engouement pour le tir sportif.
iStock/GettyLe bruit des tirs résonne de plus en plus en Suisse: dans plusieurs cantons, les autorités constatent une hausse marquée des achats d'armes à feu. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Rien qu'à Lucerne, une augmentation de 43% des permis d'acquisition d'armes a été enregistrée en 2024 (ndlr: bien que 280 permis soient liés à un changement d'armement de la police cantonale, ce qui fausse un peu la comparaison avec 2023). Complètent ensuite le podium Appenzell Rhodes-Extérieures (+35,7%) et Appenzell Rhodes-Intérieures (+12,8%). Les plus grosses baisses ont été enregistrées à Zoug (-16%), à Schwytz (-7,8%) et à Schaffhouse (-2,2%).
Selon certaines polices cantonales, comme celles d'Appenzell Rhodes-Extérieures ou de Saint-Gall, cet attrait pour les armes à feu a un lien probable avec l'actualité internationale. «Il est possible que l'augmentation des permis d'acquisition d'armes soit en lien avec le sentiment général d'insécurité», indique la police appenzelloise. La guerre en Ukraine, toujours en cours, pourrait influencer la perception des risques, avancent d'autres corps de police.
Du côté des armuriers, le discours est différent. «Chez nos clients, la peur de la guerre n'est pas un sujet», affirme Alexander Ambauen, propriétaire d'un magasin d'armes à Nidwald. Lui voit plutôt «un engouement pour le tir sportif» en Suisse. Depuis 2022, les règles pour le tir sportif ont été assouplies: il est désormais possible de le pratiquer avec des modèles modernes comme les Glock ou Beretta, à condition qu’ils respectent certaines dimensions et calibres (9 mm). Résultat: de nombreux novices franchissent désormais la porte des stands de tir. Et cela se voit également dans les tribunes: en 2024, le populaire championnat de tir en campagne, le «Feldschiessen», a attiré plus de 135'000 visiteurs, du jamais-vu depuis 2009 (voir encadré).
Une tradition suisse bien ancrée
Pour Philipp Ammann, responsable communication de la Fédération suisse de tir, ce regain d’intérêt pour le tir sportif est aussi culturel: «Le ‹Feldschiessen› est une tradition ancrée, avec une ambiance de fête populaire. Depuis la pandémie, on remarque un retour aux valeurs sûres et à la tradition.» Impossible toutefois de savoir combien d'armes circulent dans le pays, faute d'un registre national. Cela dit, une étude de l'ONG genevoise Small Arms Survey estimait, en 2018, que 2,3 millions d'armes se trouvaient chez des particuliers en Suisse.