Suisse romandeUne app pour vite régler les petits litiges avec un juge
Un juriste a développé une plateforme en ligne pour démocratiser l’accès à la justice et aux conciliations.

Le service est gratuitement accessible sur un smartphone.
jef«Je veux permettre à tous d’accéder à la justice sans intermédiaire.» Engin Kahraman, juriste fribourgeois, a élaboré une application destinée à lancer, en quelques clics, une procédure de conciliation – soit tenter de régler un différend devant un juge, sans procès.
L’app, «eJustice», cible le droit civil et couvre trois champs: le travail, le bail, le recouvrement. «Mon but, c’est toucher ceux qui ne s’adressent jamais à la justice, soit parce qu’ils n’ont pas les moyens pour un avocat, soit parce que la valeur du litige est faible.» Engin Kahraman note que beaucoup ignorent qu’ils peuvent agir seuls. «Et souvent, ils ne savent ni comment faire, ni quelle instance saisir.»
Le service, gratuit*, est tout simple, c’est l’objectif. Il suffit de choisir son domaine et de remplir un à un les champs d’un formulaire en ligne; puis de l’imprimer, de le signer et de l’envoyer au tribunal compétent. «Je n’ai rien inventé, dit le concepteur. Tous ces formulaires existent déjà sur les sites judiciaires romands. Mais ils sont difficiles d’accès, et souvent en pdf.» Là, l’utilisateur est pris par la main de bout en bout. «C’est pareil pour tous les cantons, car en fait, vous pourriez juste rédiger une lettre» avec les éléments requis. «La conciliation, c’est juste écrire à un juge.»
Conscient que la langue peut être un obstacle (les formulaires sont en français), Engin Kahraman a aussi un compte TikTok pour fournir une marche à suivre «en anglais, portugais et serbo-croate, bientôt en turc et en albanais.» L’homme, qui se rémunère via une fonction de conseil juridique, croit à la multiplication des canaux. «Il faut faciliter la vie. On est tous pris dans ce tourbillon où on doit tout régler à distance.»
*Il est à noter que la justice n’impose aucuns frais pour les conciliations relatives aux baux et au travail, mais réclame une avance de frais de 100 fr. à 240 fr. pour celles liées au recouvrement.
«C’est pratique et utile», estime un juge
«C’est bien fait, pratique et utile», commente un juge à qui l’app a été soumise. «Les formulaires sont faciles à remplir.» Il note que souvent, «les gens prennent des avocats alors que la justice fait seule le boulot si on lui apporte le litige». Un bémol: selon lui, l’app pourrait intégrer «les conciliations en demande de paiement de moins de 2000 fr. Ça permet de régler de petits litiges avec une compagnie aérienne, un hôtel. Là aussi, le juge peut trancher et souvent, ils paient au stade de la conciliation.»
Générateur d’oppositions aux ordonnances pénales
D’autres initiatives existent pour démocratiser la justice. L’avocat Fabio Burgener a ainsi créé en 2017 un générateur d’oppositions aux ordonnances pénales – ces «propositions de jugement» que le Parquet rend fréquemment après un examen juste sommaire du cas. Le site (ordonnance-penale.ch), 100% gratuit, offre aussi une foire aux questions fouillée. «Dans les faits, formuler une opposition est un acte juridique très facile à effectuer, note Me Burgener. Un courrier avec la référence à l’ordonnance pénale et la mention «opposition» suffit. Mais en pratique, de nombreux justiciables sont un peu perdus à la réception d’une telle décision.» Là, après avoir rempli divers champs, un pdf est généré, qu’il faut signer et envoyer au Parquet concerné – ouvrant ainsi la voie à une véritable instruction et à un procès.