JO 2018 - Ski alpin«Tu te prépares pour le jour J et ce n'est pas le jour J»
Eole joue avec les nerfs des organisateurs des disciplines alpines, mais aussi des athlètes. «Les annulations commencent à peser», juge l'ex-descendeur français Luc Alphand.
Meilleur descendeur du monde au milieu des années 90, Luc Alphand n'a jamais connu la joie d'une médaille olympique en trois participations aux Jeux (1988, 92 et 94). Aujourd'hui consultant pour France Télévisions, le vainqueur du Dakar 2006 porte un regard plein de bon sens sur les multiples annulations qui dérèglent le programme du ski alpin aux JO de Pyeongchang.
Dès qu'on lui donne la parole, Luc Alphand la prend avec une sympathie contagieuse. Jamais avare de bons mots, celui qui a remporté dix descentes de Coupe du monde dans sa carrière essaie de se mettre à la place des filles qui doivent faire face à tous ces reports de courses, comme la prodige américaine Mikaela Shirrfin (lire encadré).
«Deux courses en deux jours, à peu près un week-end de Coupe du monde, les filles sont habituées, juge Luc Alphand. Trois jours, trois courses, ça commence à peser», estime le dernier vainqueur français de la Coupe du monde. «Quand on annule très tôt, tu restes à l'hôtel. Là elles sont montées, elles ont fait un début de reconnaissance, elles sont restées dehors, t'as laissé déjà un peu d'influx», précise celui dont la fille, Estelle, dispute le géant et le slalom pour l'équipe de Suède.
Touche-à-tout, versé aujourd'hui dans la navigation, l'ancien champion français est inquiet pour la suite: «C'est ch... quand tu es un athlète, parce que tu te prépares pour le jour J et que finalement ce n'est pas le jour J. Du coup si on n'arrive pas à disputer des courses demain (réd: jeudi) et après-demain (réd: vendredi), ça deviendra compliqué parce qu'on échange les pistes entre les messieurs et les dames. Est-ce qu'on va se retrouver à faire la descente hommes le même jour que la descente dames sur la même piste? J'espère qu'on n'en arrivera pas là. A partir de vendredi ça va être très critique, et là ça commence à être complexe.»
Le souvenir de Morioka
Gérer les reports en Coupe du monde est une chose. Aux JO, avec l'intérêt médiatique et le fait que cela n'ait lieu que tous les quatre ans, il faut être costaud dans sa tête. «Ce sont les JO. Tu veux toujours plus en mettre et c'est là où ça demande davantage mentalement. Je l'ai vécu à Morioka lors des Mondiaux en 1993 avec le super-G. Bon... on ne l'a jamais fait ce super-G. En 15 jours!», se souvient Alphand, hilare.
A l'occasion des JO 2018 de PyeongChang, retour sur les différents sports de ces Jeux olympiques d'hiver.
«J'avais dans la piaule à côté de moi un garçon qui s'appelle Thierry Gentina, sélectionné uniquement pour le super-G. Tous les matins il se levait et était prêt à partir. Et c'était annulé. Alors il revenait. Et il était hyper nerveux. Au final, il a repris le train avec nous sans faire la moindre course à Morioka (rires). Il a tourné pendant 15 jours à l'hôtel. Et un hôtel au milieu de nulle part. Tu deviens fou au bout d'un moment. Dans une Coupe du monde, c'est normal. et puis au bout de trois jours tout le monde rentre parce qu'on change d'endroit.»
Si sa carrière de skieur est depuis longtemps derrière lui, Luc Alphand a toujours le coeur qui bat lorsque la neige tombe. Surtout maintenant que sa fille s'illustre en Coupe du monde dans les disciplines techniques et que son fils est champion du monde juniors de super-G (en 2017 à Are). «J'ai ma fille qui court et ça fait trois jours qu'elle est dans les starting-blocks, souffle-t-il. J'espère qu'elle ne va pas commencer à cogiter. Trois jours de suite aux JO cela demande un vrai effort. Et c'est encore pire en cas de médaille. Il faudra qu'ils s'arrangent au protocole ou qu'ils soient indulgents. Une cérémonie à 18h, ça va, mais s'il faut passer par la Maison suisse et manger un peu de fondue et passer sur le plateau de la RTS et tout le reste, tu laisses carrément du jus.» (ats)

Programme de stakhanoviste
La prodige américaine Mikaela Shiffrin, qui veut tout gagner ou presque à Pyeongchang, doit affronter trois épreuves en trois jours sur deux sites en raison des reports causés par le vent. Le slalom dames a été annulé mercredi et reporté à vendredi. Le géant, qui devait ouvrir le programme féminin de l'alpin lundi, a été déplacé à jeudi sur le même site de Yonpyong. Le super-G dames doit avoir lieu samedi, sur le site de la vitesse à Jeongseon.
Shiffrin, 22 ans, restera ensuite à Jeongseon pour une semaine sans répit si la triple championne du monde de slalom entend participer à toutes les épreuves, entraînements de descente compris. «Mais je ne suis pas certaine d'avoir l'énergie pour tout faire. Toutes les options sont ouvertes», avait indiqué Shiffrin il y a quelques jours.