Manifestations en Turquie«Ce soir, l’Histoire s’écrira ici»
Pour la quatrième nuit consécutive, des manifestants ont dénoncé l’arrestation du maire d’Istanbul. Le palais de justice est en état de siège.

Des manifestants affrontent la police anti-émeute turque utilisant des canons à eau et du gaz lacrymogène lors d’une manifestation à Ankara le 22 mars 2025, après l’arrestation du maire d’Istanbul.
AFPLes partisans du maire d’Istanbul, arrêté pour «corruption» et «terrorisme», ont déferlé samedi par dizaines de milliers devant l’hôtel de ville pour le quatrième soir consécutif afin de soutenir l’élu d’opposition, qui a dénoncé des accusations «immorales et sans fondement».
Pour la quatrième nuit de mobilisation, la foule est apparue encore plus dense et plus nombreuse, prenant d’assaut les rames de métro et les abords de l’hôtel de Ville, congestionnés, en agitant des drapeaux et des pancartes exprimant sa colère : «Les dictateurs sont des lâches!», «L’AKP (ndlr: le parti au pouvoir) ne nous fera pas taire».
Le maire a été amené en début de soirée avec 90 de ses coaccusés dans un palais de justice en état de siège, protégé par des dizaines de fourgons anti-émeutes et un solide cordon de policiers, pour y être présenté à un procureur. Selon ses avocats, son audition dans le volet «terrorisme» de l’accusation est terminée et l’autre, sur la «corruption» devait suivre, en plein milieu de la nuit.
«Ce qui se passe est illégal»
Malgré les restrictions d’accès, plus d’un millier de personnes, selon l’AFP, se sont pressées aux abords du tribunal de Caglayan, protégé par un très important dispositif policier.
«Les gens ne sont pas là uniquement pour Imamoglu, mais pour défendre leurs droits», justifiait Elif Cakir, un étudiant de 18 ans. «La Constitution nous accorde le droit de manifester et de nous réunir, mais on nous l’interdit». «Nous ne sommes pas les ennemis de l’État mais ce qui se passe est illégal», souliganit également Aykut Cenk, 30 ans, en agitant un drapeau turc.
«Plus d’un demi-million»
Les accusations de «soutien au terrorisme» portées contre l’édile de 53 ans, principal opposant au président Recep Tayyip Erdogan, pourraient lui valoir une incarcération et son remplacement par un administrateur nommé par l’État. Ekrem Imamoglu a promis de «porter plainte» contre les instigateurs de cette procédure.
S’adressant à la foule massée devant l’hôtel de ville, le président du parti CHP – dont est issu Ekrem Imamoglu – a assuré qu’ils étaient «plus d’un demi-million» et encore autant au loin qui ne pouvaient s’approcher. Özgür Özel a juré de «défendre Saraçhane (la mairie), de défendre le président Ekrem et de marcher sur (le tribunal) si nécessaire». «Ce soir, l’Histoire s’écrira ici, à Istanbul. Ne vous y opposez pas», a-t-il lancé aux policiers déployés en nombre.
Gaz lacrymogènes et canons à eau

À Ankara, la police a dû utiliser des canons à eau.
AFPles forces de l’ordre ont néanmoins donné la charge peu après minuit (22h 00heure de Suisse), usant de gaz lacrymogènes en grandes quantités, obligeant ceux qui le pouvaient à se réfugier dans l’hôtel de ville. Selon des journalistes de l’AFP, de nombreuses personnes ont été arrêtées, mais aucune donnée officielle n’a été immédiatement disponible.
À Ankara, la capitale, les manifestants ont également été repoussés par des spray de gaz poivré et les canons à eau et à Izamir, troisième ville du pays, la police a bloqué des étudiants qui tentaient de marcher sur les locaux du parti AKP au pouvoir. Vendredi soir, la police avait procédé à 343 arrestations dans l'ensemble du pays.
Interdiction de rassemblement
Le président Erdogan, prenant la parole devant des membres de son parti, a accusé samedi soir l’opposition de faire «depuis quatre jours tout son possible pour perturber la paix de la nation et diviser notre peuple».
Le gouvernorat d’Istanbul a prolongé jusqu’au 26 mars l’interdiction de rassemblement en vigueur depuis mercredi et imposé de nouvelles restrictions d’entrée en ville aux personnes «susceptibles» de participer à des rassemblements, sans préciser comment il les mettrait en oeuvre.
Futur candidat à la présidentielle
Ekrem Imamoglu est devenu la bête noire de Recep Tayyip Erdogan, qui fut lui-même maire d’Istanbul dans les années 90, quand il a ravi en 2019 la capitale économique de la Turquie au parti AKP du chef de l’État. L’édile, triomphalement réélu l’an passé, devait être désigné dimanche candidat de son parti à la présidentielle, prévue pour 2028. Le CHP a décidé de maintenir l’organisation de cette primaire et appelé tous les Turcs, même non inscrits au parti, à y prendre part dès 8 h 00 dimanche (6 h 00 heure de Suisse).