«Un article sur lequel on ne clique pas n'est pas lu»

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Bonus au clic chez Tamedia«Un article sur lequel on ne clique pas n'est pas lu»

Newsexpress, la rédaction online de Tamedia, offre à ses journalistes alémaniques des bonus liés à la performance. En Suisse romande la question n'est pas encore tranchée. L'initiateur de ce projet donne ses raisons.

Peter Wälty, responsable du département Digital News and Developement chez Tamedia.

Peter Wälty, responsable du département Digital News and Developement chez Tamedia.

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Les sites romands et alémaniques de Tamedia, dont 20minutes.ch, lematin.ch, 24heures.ch et tdg.ch possèdent une rédaction commune, Newsexpress, qui traite des dépêches d'agence pour tous les titres. Dans le but d'améliorer la qualité et la pertinence du travail de Newsexpress, une incitation financière a été mise en place en Suisse alémanique durant une période de test. En Suisse romande, la question demeure ouverte. Le magazine du secteur de la communication persoenlich.com a publié jeudi une interview du responsable de ce projet.

Monsieur Wälty, avec le salaire au clic, les employés de Newsexpress (NXP) ne pourront-ils payer leur loyer que s'ils titrent assez bien les textes qu'ils publient?

Les incidences sur le salaire sont minimes. Par ailleurs, le tout n'est qu'un test à durée déterminée. Nous évaluerons la situation une fois cette phase de test terminée.

A partir de quel nombre de clics obtient-on un bonus?

La hauteur du bonus est de quelques centaines de francs par trimestre. Cette somme s'ajoute toujours au salaire déjà existant. Le bonus profitera à l'équipe entière, mais également aux trois meilleurs rédacteurs (ce système n'est pour l'heure pas appliqué en Suisse romande, ndlr).

La RTS a rapporté jeudi que la quantité d'articles produits sera également récompensée.

C'est tout le contraire. Le but est de moins produire pour fournir un contenu sélectionné de manière plus réfléchie et traité plus consciencieusement.

Quelle idée fondamentale/réflexion a motivé cette nouveauté?

L'équipe de NXP travaille principalement avec les textes d'agences, soit avec une matière première rédigée de manière neutre et sobre. Dorénavant, le but des rédacteurs de NXP sera d'apporter une valeur ajoutée à cette matière première. De telle manière que le lecteur reconnaisse l'importance, la pertinence et la signification d'un sujet. Nous voulons encourager ce travail avec la nouvelle mesure.

Un clic ne signifie pas forcément que le texte a été lu.

Avant de pouvoir lire quelque chose, il faut d'abord cliquer dessus. C'est cette étape-là que nous pouvons mesurer. Le comportement du lecteur peut à son tour être influencé selon la manière dont on présente un sujet. Il s'agit ici d'un procédé très créatif et ce qui est génial: il est toujours possible de différencier, par le biais de mesures, une chose qui est mieux d'une chose qui est bien. Bien évidemment nous ne pouvons pas savoir avec certitude si un texte a été lu ou pas. En revanche, nous savons avec certitude qu'un texte sur lequel personne n'a cliqué n'a pas pu être lu.

Existent-ils des buts concrets quant à l'amélioration de la performance de Newsexpress?

Oui, nous avons effectué des mesures sur le long terme et avons analysé le développement. Grâce à cela, nous avons pu élaborer des buts concrets. Nous pensons pouvoir les atteindre avec le nouveau paquet de mesures.

Lorsqu'un journaliste devra décider entre traiter un texte parlant d'une décision importante d'une commission du Conseil des Etats ou d'une attaque de requin en Australie, il optera sans doute pour la deuxième. Cela lui permettra probablement de gagner davantage d'argent. C'est ce que vous voulez?

C'est exactement de cela que nous voulons parler. Pourquoi le lecteur préfère-t-il lire un article sur une attaque de requin? Parce qu'on ne s'est tout simplement pas posé suffisamment de questions jusqu'à présent pour savoir comment rendre une décision de la commission du Conseil des Etats plus attrayante aux yeux des lecteurs. Au fond, il s'agit là d'un échec journalistique. Car la décision de la commission de télécommunications de rejeter l'initiative sur la suppression des redevances Billag est bien plus pertinente pour le lecteur, qui est également contribuable et consommateur de télévision, qu'une attaque de requin en Australie.

Les employés sauront-ils qui a réalisé quelles performances? Les combats de coqs internes semblent programmés d'avance.

J'invite ceux qui pensent que ce type de comportement n'existe pas dans le monde du journalisme à aller se balader sur Twitter. Et au final, pourquoi pas? Un peu d'esprit de compétition ne peut pas faire de mal.

Voyez-vous d'autres possibilités pour inciter les collaborateurs à fournir des titres plus percutants? On pourrait, par exemple, améliorer les conditions de travail ou créer des perspectives.

Je pense que les conditions des rédacteurs s'amélioreront avec ces mesures. Leur créativité est stimulée parce qu'on leur demande de s'investir. Ils ont davantage d'autonomie dans la sélection des articles et la rédaction des textes.

L'interview complète sur le site du magazine persoenlich.com (en allemand) (20 minutes)

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