VaudUn audit vient réordonner le fouillis des permis de construire
La Cour des comptes a analysé les procédures des communes et du Canton dans l’attribution de ces permis. Sa conclusion: le Canton doit faire de l’ordre, et aider les communes à faire juste.

Les demandes de permis sont souvent une odyssée pour ceux qui les déposent. Pourtant, la construction représente 5,5 milliards de francs par an dans le canton.
Getty ImagesC’est un travail de titan, et aussi de fourmi, qui a été mené par la Cour des comptes depuis 2017: le Canton ainsi que sept communes ont été auditées pour faire la lumière sur les processus d’attribution des permis de construire et d’habiter. Un domaine aussi obscur qu’essentiel, tant pour les propriétaires que pour ceux qui souhaiteraient faire opposition à de nouvelles constructions, qui ne sont pas moins de 4200 par an dans le canton de Vaud.
Un service indispensable, mais fantôme
Premier constat: pas de dysfonctionnement grave, mais un système qui tient du bricolage et qui, s’il fonctionne, ne garantit ni l’égalité de traitement entre les dossiers, ni la conformité des constructions, ni non plus la tenue des délais. «Pour aider les communes à traiter avec les multiples services cantonaux impliqués dans le processus, le Canton a créé la CAMAC, la Centrale des autorisations en matière de constructions, explique Valérie Schwaar, magistrate à la Cour des comptes. Or, cette centrale n’a jamais reçu une quelconque légitimité légale pour opérer, alors que tout passe par elle. Le Canton doit légaliser cette situation, et nous lui suggérons de donner à la CAMAC les moyens de ses responsabilités.» Celle-ci doit en effet pouvoir fixer des délais aux services, ou par exemple leur demander des précisions sur leurs conditions.
Régulariser les émoluments et le dossier en ligne
La Cour des comptes signale également que les émoluments pratiqués par les communes ne sont actuellement pas clairs: ces dernières n’ont souvent aucune idée combien leur coûte le travail effectué et fixent parfois des tarifs basés sur la commune d’à côté, qui peut connaître des conditions bien différentes. Les calculs sont parfois effectués de façon farfelue, ou sans avoir fixé de plafond.
Par ailleurs, il serait temps de mettre à jour le principe du dossier dématérialisé, indique Valérie Schwaar. «Aujourd’hui, la loi prévoit toujours un dossier papier en 5 exemplaires avec la signature du syndic, précise-t-elle. C’est peu efficace, et la pandémie a forcé la CAMAC à trouver des astuces, au détriment de leur décompte d’heures de travail… Puisqu’une nouvelle plateforme est en projet pour remplacer l’actuelle, obsolète, il peut être utile d’y intégrer ce projet.»
Un plus pour l’utilisateur final
L’application de ces 22 recommandations adressées au Conseil d’Etat et à la Direction générale du territoire et de l’environnement (DGTL) demandera un effort non négligeable, admet la Cour des comptes. «Mais à long terme, cela aboutira à un processus bien plus optimisé, notamment financièrement.» Et qui devrait être plus clair et plus rapide pour les citoyens, ainsi que pour les communes qui doivent répondre à leurs demandes. «Nous avons d’ailleurs édité un guide des bonnes pratiques à l’attention de ces dernières», ajoute Valérie Schwaar. Qui recommande que le Canton en fasse de même, par exemple pour les aider à identifier les autorisations existantes, une liste que personne n’a formalisée à ce jour, et à quel service s’adresser pour les obtenir.
Le Canton investit dans la foulée
Acceptant les recommandations de la Cour des comptes, le Conseil d’Etat a annoncé mercredi qu’il soumettrait au Grand Conseil un crédit d’investissement de 10,4 millions de francs dans le but de renouveller le système informatique dans son ensemble. Il précise également que la loi sur l’aménagement du territoire et des constructions (LATC) est en cours de révision partielle, ce qui devrait permettre de faire les changements suggérés, notamment dans le domaine de la dématérialisation.
Contrôler l’Etat
Autorité indépendante par définition, la Cour des comptes a pour mission de contrôler l’utilisation de l’argent public sous l’angle de l’efficience des services publics. Elle mène des audits, soit sur la base de signalements, soit par autosaisine, et formule ensuite des recommandations qui lient dès lors l’organe audité. Un suivi est fait pendant cinq ans après publication de l’audit. Les magistrats responsables des dossiers, élus par le Grand conseil, ont cependant l’interdiction de faire de la politique, même dans leur vie privée.