Un deuxième procès pour une occupation militante

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LausanneUn deuxième procès pour une occupation militante

Une quinzaine de jeunes avaient bloqué le siège des Retraites populaires pour demander la fin des investissements polluants. Condamnés, ils font recours, après l’acquittement de leurs camarades pour une occupation similaire.

La marche du climat était passée devant le siège des Retraites populaires, et une cinquantaine de jeunes avaient pénétré dans les lieux.

La marche du climat était passée devant le siège des Retraites populaires, et une cinquantaine de jeunes avaient pénétré dans les lieux.

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Les faits s’étaient déroulés en marge d’une marche organisée par la Grève du climat, le 15 mars 2019 à Lausanne. Une cinquantaine de jeunes s’étaient introduits dans le siège des Retraites populaires, qui gère notamment la caisse de pension de l’Etat de Vaud (CPEV) . «Nous sortirons quand vous sortirez des énergies fossiles!» clamaient-ils. Après un peu plus de deux heures et une discussion informelle avec le directeur général de l'établissement, Philippe Doffey, la police avait ordonné l’évacuation des lieux, et une bonne partie des manifestants s’étaient exécutés, à l’exception de quinze d’entre eux qui s’étaient accrochés l’un à l’autre, avant d’être sortis un à un.

Plus d’un an après, les quatorze activistes majeurs ont reçu une ordonnance pénale les condamnant avec sursis à 20 jours amende à 30 fr. ainsi que 200 fr. d’amende et 450 fr. de frais de justice chacun. Ils sont reconnus coupables d’«empêchement d’accomplir un acte officiel» (l’évacuation des lieux) et d’avoir manifesté sans autorisation. Le quinzième militant, Zakaria Dridi, a déjà été condamné à 6 demi-jours d’intérêt général par le Tribunal des mineurs et a fait appel.

En attente d’une jurisprudence

La décision est surprenante, estime leur avocate Me Irène Wettstein, puisque Retraites populaires avait décidé de ne pas porter plainte. En outre, d’autres militants ayant occupé une succursale de Credit Suisse peu avant avaient été acquittés en première instance à Renens en janvier. Leur procès en appel aura lieu en septembre. «On aurait pu imaginer que le Ministère public attende ce verdict-là, et donc une jurisprudence cantonale, pour décider de condamner ou non ces jeunes, a-t-elle avancé lors d’une conférence de presse mardi matin. Cela aurait été judicieux puisque l’affaire est comparable, et qu’il y a donc à ce jour une contradiction entre les deux décisions.»

Les militants ajoutent que l’action a très probablement servi de déclencheur de l’ouverture du dialogue de la part des Retraites populaires. Six mois après, en effet, l’établissement a annoncé sa volonté de verdir son portefeuille en excluant les investissements dans le charbon, et accepté une rencontre demandée de longue date avec le groupe Divest, qui milite pour la sortie des investissements fossiles. «Cela prouve que l’action a été utile», se réjouit un proclimat.

Mobile et conséquences

Sur les quatorze condamnés, treize ont fait appel et seront donc jugés au Tribunal de police. Le dernier a renoncé pour des raisons financières. Objectif à peine dissimulé du recours: alimenter le débat public ouvert lors du procès Credit Suisse à Renens, et protester contre la «criminalisation de l’activisme climatique». Pour les avocats défendant ces jeunes, le mobile de leur action est lié à une nécessité d’agir, dans un but altruiste et pour une cause juste; en outre, le Code pénal enjoint à la justice de renoncer à poursuivre quelqu’un «si sa culpabilité et les conséquences de son acte sont peu importantes». Pour Me Wettstein, c’est en effet le cas puisque l’action s’est déroulée sans violence et sans dommages matériels.

Dans le jugement rendu sur l’affaire des faux tennismen de Credit Suisse, le juge avait confirmé la violation de domicile commise par les militants, mais avait également retenu l’état de nécessité qui les avait poussés à cette action. Le procureur général du canton de Vaud Eric Cottier a fait appel, estimant que le jugement donnait une «réponse surprenante» à une question juridique de principe. Le cas sera rouvert le 22 septembre au Tribunal cantonal, juste avant le jugement de Zakaria Dridi le 28 septembre.

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