Un flirt préoccupant entre le détenu et la gardienne

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GenèveUn flirt préoccupant entre le détenu et la gardienne

Une passade à la prison de Curabilis met en lumière des pratiques qui inquiètent le personnel.

Jérôme Faas
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Jérôme Faas
La gardienne avait pris l'habitude de s'attarder dans la cellule du détenu (à l'image, une des cellules de la prison-hôpital de Curabilis).

La gardienne avait pris l'habitude de s'attarder dans la cellule du détenu (à l'image, une des cellules de la prison-hôpital de Curabilis).

Keystone/Salvatore di Nolfi

C'est l'histoire d'une amourette survenue à la fin de l'été. Il n'est même pas sûr qu'elle ait donné lieu à des baisers. Elle prêterait à sourire si son cadre n'était pas Curabilis, la prison-hôpital destinée aux détenus dangereux à troubles psychiques: elle a uni une gardienne et un condamné, violeur. L'épisode démontre que malgré le viol d'une agente de détention en juin 2018 dans une cellule, il y existe encore des cas où des surveillantes restent seules avec des prisonniers, «traînant notamment dans les étages avec eux», s'émeut un gardien, jugeant ces cas pris à la légère.

Le rapprochement entre l'intéressée et le condamné, opéré dans les espaces communs mais aussi en cellule, a tourné court: une collègue a alerté la hiérarchie. L'amoureuse ayant aussi fait état de son attirance et de son malaise, d'elle-même semble-t-il, et aucun contact charnel n'ayant été avéré, aucune sanction n'a été prononcée. L'Inspection générale des services n'a pas été saisie. La lanceuse d'alerte, un temps en arrêt-maladie, a été changée d'unité au sein de Curabilis, tout comme l'agente tentée.

Porte-parole du département de la Sécurité, Laurent Paoliello ne commente pas les cas particuliers. Il précise que le système est conçu pour éviter que des gardiennes soient seules avec des détenus. Quand elles entrent dans les cellules, elles doivent être accompagnées et la porte doit rester ouverte. Exceptions: les déplacements dans la prison et les espaces d'activités. «Mais un collègue doit toujours être prévenu et le lieu être surveillé par vidéo.» Bref, les couacs naîtraient de fautes individuelles, non d'un problème structurel, comme le pensent au contraire certains gardiens et la commission de contrôle de gestion du Grand Conseil, qui tirait la sonnette d'alarme en novembre, s'inquiétant pour la sécurité des agents et jugeant que toutes les conséquences de l'affaire Adeline n'avaient pas été tirées.

Regard positif sur la lanceuse d'alerte

«La hiérarchie précise avec quels détenus à risque les femmes ne doivent pas être seules. Là, il n'était pas classé à risque», expose un gardien. Il regrette que la lanceuse d'alerte ait été déplacée, y voyant une forme de sanction. «On ne connaît pas toute l'histoire, mais on est plusieurs à juger qu'elle a bien fait de parler.» Ce même gardien estime aussi que l'amoureuse est une victime. «Les détenus sont rompus à la manipulation.» Il critique le silence de la direction. «On entend des choses, on imagine, elle ne communique rien. C'est malsain.»

Job très difficile

Le porte-parole du Département de la sécurité insiste sur la difficulté du job de gardien. «La tension est permanente, ils font partie du processus de réinsertion, sont loin de juste tourner la clé.» Il est crucial qu'ils «soutiennent les collègues vacillants. S'il y a un appel à l'aide, ils doivent en faire état, pour les protéger.» La direction peut alors réorganiser le personnel. «Il s'agit de gestion, pas de sanction, même si tout ne peut pas toujours être expliqué, par respect pour les intéressés.»

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