Expo à Paris«Insupportable, décrochez ça»: un tableau d’une artiste suisse fait un tollé
Un des tableaux de l’artiste bâloise Miriam Cahn exposée au Palais de Tokyo, à Paris, a été partagé sur Twitter. Les réactions, parfois excessives, sont nombreuses.

L’exposition «Ma pensée sérielle» consacrée à Miriam Cahn se tient jusqu’en mai au Palais de Tokyo, à Paris.
AFPUne campagne de dénonciation agite Twitter depuis dimanche, surtout depuis que l’animateur français Karl Zéro a publié un post, vu plus de 700’000 fois en moins de vingt-quatre heures. Il y dénonce le Palais de Tokyo, musée parisien qui consacre une exposition à l’artiste suisse Miriam Cahn.
Parmi les nombreuses œuvres de la Bâloise, il y en a une qui dérange. On y voit une personne, d’allure enfantine, agenouillée et forcée à pratiquer une fellation sur une personne adulte qui se tient debout. «Voilà ce qu’on ose exposer depuis le 17 février au Palais de Tokyo. C’est insupportable», écrit Karl Zéro.
Aux accusations d’incitation à la pédocriminalité ou de mentions d’un complot pédosataniste, de nombreux internautes ont répondu par des appels au meurtre de l’artiste. D’autres ont voulu partager leur dégoût, jugeant «honteux» qu’une telle imagerie soit exposée. Le tableau en question est parmi les plus récents de Miriam Cahn, âgée aujourd’hui de 73 ans et qui a une longue carrière derrière elle. Il fait référence aux événements entourant la ville de Boutcha, en Ukraine, lors de l’invasion russe.
Un tableau pour dénoncer
Dans le texte imprimé dans le musée, on lit que «les œuvres réunies dans ces salles sont de nature à heurter la sensibilité des publics, particulièrement des plus jeunes». Une équipe de médiation se tient en outre à disposition pour «échanger sur les œuvres».
Sur le tableau en question, la parole est donnée à l’artiste, qui ne parle pas d’un enfant: «Il s’agit ici d’une personne aux mains liées, violée avant d’avoir été tuée et jetée dans la rue. La répétition des images de violence dans les guerres ne vise pas à choquer, mais à dénoncer.»
Contacté, le musée prendra position dans la journée de mardi sur les accusations qui lui sont portées.
La loi se mêle du débat
Récemment, le bédéiste Bastien Vivès a été épinglé pour ses dessins représentant notamment un garçon avec un pénis démesuré. Il fait face à une plainte. En France, le Code pénal punit les représentations de mineurs dans des images à caractère pornographique. Des cas ont déjà mené à des condamnations, comme pour le diffuseur d’un dessin animé japonais en 2007. La justice avait estimé que les images «non réelles représentant un mineur imaginaire» devaient aussi entrer dans le spectre de la loi. D’autres n’avaient donné lieu à aucune poursuite.
Texte, image, dessin
Tous les arts sont concernés par ce débat sans fin sur la légitimité de séparer l’œuvre brute de l’artiste et, surtout, ses intentions. Tout montrer dans le but de dénoncer ne passe pas pour une frange du public. Le roman «Lolita» de Vladimir Nabokov avait été censuré en 1955 à sa sortie car il parlait d’une enfant victime d’un prédateur sexuel. L’auteur affirmait pourtant partout que son livre était justement le contraire d’une apologie de la pédophilie. La peinture, «Thérèse rêvant» (1938) de Balthus avait fait polémique en 2017 et donné lieu à des pétitions pour qu’il ne soit pas exposé. Il l’est toujours dans un musée à Madrid.