Locataire expulsée à Martigny: «Elle conservait 3,5 t. de déchets»

Publié

ValaisLocataire expulsée: «Elle conservait 3,5 tonnes de déchets»

Une sexagénaire, probablement atteinte du syndrome de Diogène, vivait dans un véritable foutoir. Des voisins se sont plaints de l'odeur. La police l'a délogée.

«C'est l'horreur! Il y a une odeur insupportable.» En quinze ans de métier, Eline* n'avait jamais vu ça. Il y a dix jours, cette agente immobilière a assisté à l'expulsion d'une locataire qu'elle pense souffrir du syndrome de Diogène. En huit ans, celle qui occupait un 120 m² en Valais y a amassé des piles et des piles d'affaires, où effets personnels se mêlent aux ordures et excréments de chats. De quoi condamner même l'accès à certaines pièces, dont un des WC.

Le syndrome de Diogène, c'est quoi?

En 2017, il avait fallu quinze bennes pour vider les 18 tonnes de déchets qu'un couple de Bernois, expulsé, avait entassé dans sa maison à Wilderswil. Un psychiatre expliquait alors que le fait d'accumuler des objets de manière compulsive est une pathologie: «Les malades sont incapables de se séparer de quoi que ce soit. C'est souvent lié à un passé mouvementé. Ces objets sont un substitut à des pertes ou à des relations antérieures. Comme une raison de vivre.» Ainsi, devoir s'en séparer est vécu comme un déchirement.

«On a essayé de l'aider»

D'après Eline, les premiers signes sont apparus chez la sexagénaire il y a trois ans. «Des voisins se sont plaints d'une odeur les empêchant de profiter de leur propre balcon. Ces derniers temps, la locataire faisait même sécher le cadavre de son chat à l'extérieur.» L'agente immobilière complète: «On a essayé de l'aider, on lui a laissé plusieurs chances. Mais elle n'a rien voulu savoir.»

Après avoir alerté les autorités cantonales de protection de l'adulte, la gérance a résilié le contrat de bail pour juste motif. «En juillet, devant la justice, l'occupante était d'accord de quitter l'appartement. Mais le mois dernier, une entreprise de nettoyage est venue, elle s'est accrochée aux sacs-poubelle», raconte Eline. La police est intervenue pour la déloger. «Ça fait mal au cœur. Mais je dois défendre les intérêts de l'immeuble et du propriétaire.»

«3,5 tonnes de déchets»

La facture s'annonce salée pour ce dernier, «un petit privé». «La locataire conservait 3,5 tonnes de déchets. Il faudra ensuite casser le carrelage et refaire la cuisine. L'odeur est incrustée», commente l'agente immobilière. Entre le débarras, le nettoyage et les travaux de remise en état, elle estime qu'il faudra débourser environ 80'000 francs. «Il est évident que la dame ne pourra pas payer une telle somme», glisse Eline. Le propriétaire n'a pas souhaité s'exprimer.

De son côté, la sexagénaire occupe désormais un autre logement en Valais. «Le nouveau proprio n'a plus que les yeux pour pleurer. Il m'a appelée, il n'était pas au courant de la situation. Je lui ai conseillé de fixer des visites de l'appartement chaque mois», confie Eline.

Des chats morts dans le congélo

De tels cas, Zaïd Shams, directeur de Val-Débarras, y est confronté «une à deux fois par semaine, en Suisse romande». Parfois, c'est pire. «Je me souviens d'une dame qui n'avait pas accepté de perdre ses animaux, alors elle avait gardé ses neuf chats morts dans son congélateur, relate celui qui débarrasse les logements. Ceux qui ne peuvent plus accéder aux WC font autour de la cuvette ou vont aux toilettes du resto du coin.» Il poursuit: «Avant le Covid, il y avait un syndrome de Diogène tous les quinze jours, et les gens avaient entre 40 à 80 ans. Là, on voit des jeunes dès 18 ans en souffrir.»

Quelles solutions pour le locataire?

Pour le juriste Christian Dandrès, l'Asloca Genève traite entre 10 et 20 cas par an. «Le plus dangereux, c'est le risque d'incendie. C'est pourquoi il faut être attentif à ses voisins», conseille-t-il. L'alerte est souvent donnée par le facteur ou un voisin qui entrevoit l'état du logement. «Les procédures sont impossibles à gagner pour le locataire. Il s'agit donc de gagner du temps pour retrouver un logement avant l'expulsion. Il faut aussi le convaincre de consulter un médecin et éviter un placement en institution», explique-t-il.

*Prénom d'emprunt

Ton opinion