VoileLe skipper Kevin Escoffier confronté à sa victime présumée
Accusé d'agression sexuelle par plusieurs femmes, le navigateur français est depuis sous le coup d'une information judiciaire.

Kevin Escoffier à Lorient en septembre 2020.
IMAGO/ABACAPRESSLa sidération, l’isolement, le «parcours du combattant»: une jeune femme qui a porté plainte contre le navigateur Kevin Escoffier pour agression sexuelle a livré lundi un récit intense lors d’un procès en diffamation déclenché par le skipper, qui conteste ses accusations en bloc.
Citée en tant que témoin devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris par la défense du Canard enchaîné, poursuivi pour un article de fin octobre 2023, la jeune femme de 32 ans travaillait au sein de l’équipe du skipper.
L'escale à Newport
D’une voix chancelant sous l’émotion, elle revient sur cette soirée du 15 mai 2023 lors de l’escale à Newport, aux Etats-Unis, lors de la course The Ocean Race, course autour du monde en équipage.
Alors qu’elle s’apprête à une accolade avec le skipper en rejoignant l’équipe dans un pub, celui-ci lui «presse les seins avec ses mains», affirme la jeune femme à la barre. «Il commence à me palper une fesse, puis l’autre», «et sa main commence à remonter sous mon t-shirt», poursuit-elle. «À ce moment-là, je suis sidérée.»
Le lendemain, le navigateur lui dit qu’il s’est «réveillé avec des images dans la tête» et l’espoir «qu’elles ne soient pas vraies», selon son récit.
Il lui a, dit-elle, expliqué qu’elle n’y était pour rien, qu’il n’était «pas intéressé» par elle car il avait une femme et enfin se serait posé en confident, tout en lui demandant «le nom des témoins».
Quatre plaintes
Dans les jours qui suivent, la jeune femme se sent «traitée comme un problème», poursuit-elle, puis lors de l’étape suivante, au Danemark, elle se retrouve «isolée dans l’équipe», «on me parle à peine». On lui fait sentir «que toute l’affaire est de (sa) faute».
En octobre 2023, «compte tenu du faisceau d’indices porté à sa connaissance», la Fédération française de voile (FFVoile) avait suspendu le navigateur de toute compétition pour 18 mois et lui avait retiré provisoirement sa licence pendant cinq ans. Mesures annulées en mars 2024 en raison d’un «vice de procédure».
En parallèle, une enquête pénale a été déclenchée, «un parcours du combattant», raconte la jeune femme qui, à la fin de son audition par la police, portera plainte.
Elle n’aura plus de nouvelles jusqu’à sa convocation pour une confrontation en février dernier et apprendra, lorsque le placement en garde à vue de Kevin Escoffier sera révélé début mars dans la presse, que celui-ci est en tout visé par quatre plaintes.
«Pour moi ce qui a été écrit, c’est la vérité», dit-elle au sujet de l’article du Canard enchaîné.
«Omerta» dans le milieu
Face au tribunal, le navigateur, secouru par Jean Le Cam après avoir fait naufrage lors de l’édition 2020/2021 du Vendée Globe, estime s’être ainsi retrouvé privé de sa «capacité à (se) défendre», s’en prenant à un article qui «dit que j’ai reconnu des faits que je combats depuis deux ans».
Il avait, dit-il, eu vent de la rumeur via sa «team manager» qu’il était question de «contact physique avec les seins» de la jeune femme. «J’ai été la voir, elle m’a dit 'aucun problème', que rien de grave ne s’était passé», a-t-il assuré, certifiant même n’avoir «jamais eu un propos sexiste de (sa) vie».
Egalement témoins, les auteurs de l’article, Anne Jouan et Jean-Louis Le Touzet, ont défendu le sérieux de leur enquête, assurant avoir «récupéré des dizaines et des dizaines de témoignages» et dénoncé l'«omerta» qui régnait selon eux dans le milieu de la voile.
L’avocat du navigateur, Eric Bourdot, a lui rappelé que Kevin Escoffier reste «présumé innocent» et décrit les faits de Newport comme un «quiproquo autour d’un hug». Il a accusé le Canard enchaîné de n’avoir fait «aucune enquête sérieuse» et mis en cause les «versions changeantes» de la plaignante.
Reprenant une expression de l’article litigieux, l’avocate du Canard, Camille Souleil-Balducci, a quant à elle mis en cause le «sac de noeud» de la défense de Kevin Escoffier, à laquelle «on ne comprend rien». Et demandé au tribunal non seulement de relaxer le journal satirique, mais aussi de condamner le skipper pour procédure abusive.