Tallinn: escapade hivernale au cœur de la capitale de l'Estonie

Deux salles, deux ambiances. Dans le centre historique de Tallinn, s’élève un sapin illuminé. Autour de lui, des chalets diffusent des chants sirupeux depuis vendredi 22 novembre, soir de l’ouverture du marché de Noël de la capitale de l’Estonie. Le lendemain matin, on se retrouve à Kopli, quartier du nord de la ville, dans une ancienne fabrique de bottes en caoutchouc où résonne du hip-hop.

La friche industrielle abrite, depuis début 2020, Karjase sai, une boulangerie trendy qui, au milieu de l’après-midi, change de nom pour devenir le restaurant Barbarea. C’est là que Kenneth Karjane, boulanger et cuisinier âgé de 31 ans, nous accueille pendant que ses employés préparent des viennoiseries, défournent du pain et servent un petit-déjeuner aux lève-tôt. «Ce matin, on a commencé à faire des petits pains aux raisins dont les gens raffolent en cette période de l’année. Ils sont simples et délicieux», dit le patron.

En Estonie, le pain est une religion. Restaurants et boulangeries proposent différentes sortes, blanches ou noires, et surtout des brioches garnies, salées ou sucrées. «Ici, nous n’utilisons que de la farine bio, souligne Kenneth Karjane. Elle est en partie importée d’Italie et mélangée avec une production locale. En Estonie, il ne fait pas assez chaud pour produire suffisamment de blé dur bio. Dans mon restaurant, j’essaie au maximum d’utiliser des produits locaux bios. C’est un défi parce que l’approvisionnement du pays dépend de l’importation.»

Tallinn et Helsinki, capitale de la Finlande, sont proches géographiquement — deux heures en ferry — et culturellement. D’ailleurs, par un coup du sort, le chef estonien est né en Finlande. «À Helsinki, la scène culinaire est en plein boum. Et c’est vraiment cool. À Tallinn, plusieurs établissements pointus ont ouvert récemment. C’est très enthousiasmant, vu la situation économique tendue. Les restaurateurs ne font donc pas des folies, tablent sur la sécurité. Mais la révolution est en marche. Je suis sûr qu’il y aura encore davantage de nouveaux restaurants et que le niveau s'élèvera au cours des quatre prochaines années.»

Le restaurant de Kenneth Karjane fusionne des inspirations du monde entier, mais s’articule autour de produits estoniens. «La cuisine de notre pays a des influences nordiques, slaves et même un peu françaises. Noël est marqué par des traditions culinaires. On mange un rôti de porc, du boudin noir avec de la confiture d’airelles, de la choucroute, des légumes. Ces plats ne sont pas servis dans les restaurants. On les consomme en famille, à la maison.»

«J’ai étudié la mode dans la même école que la femme de Kenneth», raconte Cärol Ott quand on la rejoint dans son atelier, à Sitsi, un quartier voisin. «À Tallinn, tout le monde connaît tout le monde», assure la créatrice de mode, âgée de 29 ans, en dégustant un kimchi roll. Ses collections ont remporté des prix en Ukraine et en Estonie où la styliste fait partie des jeunes talents confirmés.

«Tallinn est une petite capitale, à taille humaine. C’est facile de se déplacer rapidement d’un point à un autre, poursuit Cärol Ott. La ville est sans cesse en ébullition avec une offre qui n’a pas à rougir comparée à celle des grandes métropoles européennes. Bien sûr, comparée à la scène mode de Paris, la nôtre est minuscule. Le marché est très restreint, notamment parce que les gens d’ici n’aiment pas les couleurs vives. Ils portent du noir, du marine, un peu de beige, alors que, moi, je crée des vêtements colorés.»

L'ADN de la marque CarolxOtt se trouve à Prangli, une île estonienne dans le golfe de Finlande, habitée par 80 habitants qui vivent essentiellement du tourisme en été et de la pêche. Elle se situe entre Tallinn et Helsinki. «Je collabore avec quelques-uns qui produisent pour moi des moufles et des bonnets en laine tricotés à la main avec la laine de leurs moutons. D’après la styliste, «l’Estonie entretient un lien naturel avec le design nordique qui est très populaire».