Le clitoris à la conquête des classes genevoises

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GenèveLe clitoris à la conquête des classes genevoises

Dès la rentrée, des planches anatomiques dépoussiérées et réalistes vont faire leur apparition dans les classes. Elles ont été présentées lors d'une formation continue.

Lucie Fehlbaum
par
Lucie Fehlbaum
L'organe féminin n'aura plus de secret pour les élèves du cycle
Une vue en 3D, issue des nouveaux supports de cours, permet de connaître l'emplacement du clitoris.
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L'organe féminin n'aura plus de secret pour les élèves du cycle

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Dès la rentrée d'août 2019, les élèves du cycle d'orientation découvriront en cours de biologie des planches anatomiques réalistes. Comprendre: avec un clitoris représenté fidèlement. Sur les planches, pénis et clitoris seront illustrés par les mêmes couleurs, pour mettre en évidence les similitudes entre ces deux organes. Ces images, les ados genevois seront les premiers au monde à les découvrir. «La planche féminine de profil est introuvable ailleurs. À notre connaissance, il n'y en a pas d'autres dans les écoles, confirme Soledad Valera-Kummer, déléguée du SSE (Service enseignement et évaluation). On ne cache plus non plus les questions de sexualité: le rôle du clitoris dans le plaisir est clairement explicité.» Le Département de l'instruction publique (DIP), les HUG, le laboratoire Bioscope et l'Université de Genève se sont associés pour dépoussiérer ces modèles anatomiques et remettre, enfin, le clitoris au cœur de l'apprentissage.

Questions éclairées

Les dessins ont été présentés jeudi lors d'une formation continue proposée par le Bioscope et le DIP, intitulée «Sexe, genre, sexualités». Une journée pour parler intégration au sens large, des organes des femmes, des orientations sexuelles ou de l'intersexuation, appelée encore à tort «hermaphrodisme». Une mise à jour sur le genre. Parmi les 76 enseignants sur place, certains se disaient «largués» par les questions «très pointues» de leurs élèves. «Je viens d'un monde où les variations de sexe n'existaient pas, on n'en parlait pas. On était garçon ou fille, point barre», témoigne une enseignante de biologie du secondaire I. Pour d'autres, la découverte des planches anatomiques relevait de l'extase. «À mon époque, on avait droit au terme «bouton» pour parler du clitoris, et on ne voyait rien du tout à part le sacro-saint vagin. C'est une révolution», confie une autre enseignante.

«Obsession: normalité»

Après une matinée de conférences, le public a mis la main à la pâte lors d'ateliers. L'un deux, animé notamment par Odile Fillod, chercheuse indépendante dont le modèle de clitoris en 3D avait fait le buzz, a rapproché des profs pour discuter de l'enseignement égalitaire. Vocabulaire désuet et stéréotypes ont été passés au crible. «Certaines explications sur la reproduction pour les plus jeunes donnent aux ovules des caractéristiques supposées féminines, c'est l'horreur, se lamentait une enseignante. Genre «elle est tatillonne sur le choix de son spermatozoïde parce qu'elle est exigeante».» Un enseignant de biologie au cycle d'orientation a ainsi vanté les mérites de ses élèves, qui osaient poser des questions sur les variations du développement sexuel. «Les médias en parlent, diffusent des témoignages de personnes intersexuées, et les ados sont à fond. Leur obsession, c'est d'être normal. Donc la recherche qui montre qu'il n'existe pas de comportement normal de fille ou normal de garçon, c'est une bénédiction.»

Remise en question

Au total, 110 employés du Département de l'instruction publique étaient présents jeudi. «L'école soutient ce projet qui élargit notre perception de l'humain, affirme Isabelle Vuillemin, directrice de l'enseignement au DIP Les récentes découvertes scientifiques doivent être intégrées par l'instruction publique, quitte à remettre en question des faits qu'on pensait établis. On ne parle plus seulement de fille d'un côté, garçon de l'autre, mais aussi de continuum des genres. La science permet ainsi de combattre les discriminations.»

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