GenèveLa caserne des Vernets au cœur du plan pour les SDF
La Ville de Genève et les pompiers se lancent dans un ambitieux jeu de domino immobilier pour secourir tous les sans-abris.

Ce bâtiment comporte trois étages de chambres où pourront être logés les SDF.
Keystone/Martial TrezziniLe plan, complexe et ambitieux, est à la mesure de l'immense défi auquel est confronté le Service social de la Ville de Genève: mettre en sécurité les centaines de sans-abris (entre 300 et 400) sous la menace du coronavirus. «On mesure la solidité d'une société à sa capacité à prendre en charge les plus faibles», insiste le lieutenant Nicolas Millot, officier de communication du Service d'incendie et de secours (SIS), en première ligne dans la mise en oeuvre de ce dispositif. Sa clé de voûte: la mise à disposition dès vendredi, pour les grands précaires, de l'ancien foyer pour requérants d'asile de Frank-Thomas, aux Eaux-Vives, qui était voué à la démolition; et surtout, dans les jours à venir, sans doute la semaine prochaine, celle de la caserne militaire des Vernets, elle aussi désaffectée.
Abris PC supplémentaires ouverts
Jusqu'au début du mois de mars, les abris PC de Richemont et des Vollandes accueillaient, la nuit, cent SDF chacun. «On s'est rapidement rendu compte que ce n'était pas tenable», explique Karin Stucki, cheffe de la division appui et soutien au SIS. Le 12 mars, cinquante usagers de Richemont ont été transférés, en bus TPG, à l'abri PC de Châtelaine, ouvert pour l'occasion. Le 13 mars, il en a été de même avec la moitié des occupants des Vollandes, amenés dans l'abri PC de Varembé, lui aussi réouvert.
Premier cas positif le 14 mars
Le 14 mars, le premier cas de SDF testé positif au coronavirus a été détecté. L'abri PC des Franchises a été ouvert pour l'abriter. Il y a depuis été rejoint par un autre individu positif. Parallèlement, trois salles de gymnastiques, celles de Trembley, Budé et Geisendorf ont été mises à disposition des usagers des Sleep-in et de l'Armée du salut. «Actuellement, on bricole, mais il est vite devenu évident qu'il fallait mener une réflexion sur le long terme», explique Nicolas Millot.
C'est là qu'entrent en jeu la caserne des Vernets et le centre de Frank-Thomas. Ce dernier, muni de dortoirs, doit ouvrir ce vendredi. Les résidents de Richemont (à pied) et ceux de Châtelaine (en bus) y seront installés. Ce nouveau lieu restera ouvert 24 heures sur 24 - comme les Vollandes, d'ailleurs. Et lundi, les usagers de Varembé seront accueillis à Richemont, qui aura donc été libéré.
Plusieurs bâtiments aux Vernets
Restera à mettre en oeuvre la partie la plus ambitieuse de ce plan d'envergure: rendre à nouveau habitable la caserne des Vernets pour y rassembler les SDF gérés par les diverses associations d'aide aux plus démunis. Un bâtiment muni de chambres individuelles devrait être réservé aux personnes contaminées. Un second bâtiment comporte des chambres sur trois étages. Une salle de gymnastique fera office d'espace de tri, où les diverses associations tiendront des «stands» pour accueillir et diriger leurs habitués.
«Il y a tout à faire, de A à Z»
Le canton, via son dispositif de crise ORCA, a donné son feu vert à cet immense chantier. «Il y a tout à faire, de A à Z, expose Karin Stucki. La première phase consistera à réaffecter le réfectoire et les cuisines pour nourrir tout le monde. La seconde phase s'attachera à la mise en service des chambres. Il faut tout nettoyer, s'occuper des douches et des toilettes, mettre en place la logistique, vérifier les dispositifs d'évacuation, disposer d'une détection incendie qui tienne la route, s'occuper de la plomberie, de la ventilation. Nous allons travailler avec les architectes de la Ville, les ingénieurs vérifieront les normes de sécurité, le service de la logistique et des manifestations de la Ville amènera WC et barrières.» La liste est longue.
«On ne dérogera jamais, jamais, à la sécurité»
Quand tout cela sera-t-il prêt? Le service social et le SIS évolue sur une ligne de crête. «Il faudra rester pragmatique et se mettre en mode guerre», expose Nicolas Millot. Bref, il s'agira de ne pas être tâtillon sur certaines normes. «La salubrité, on peut dégraisser. Mais on ne dérogera jamais, jamais, aux normes de sécurité. La priorité, ce sera que ces bâtiments soient conformes. Aucun SDF n'entrera dans cette caserne si la sécurité n'y est pas garantie.»
«Ils ont besoin de nous!»
Alors que des dizaines de personnes sont sur le pont nuit et jour pour cette opération, de la voirie aux miliciens de la protection civile, en passant par les entreprises de sécurité, les travailleurs sociaux et les pompiers et bien d'autres, Nicolas Millot martèle ce qui anime tout ce personnel. «Les grands précaires sont des êtres humains, ils sont dans la rue, ils ont besoin de nous!»