GenèveAmiante: «Jamais eu de cas aussi grave à Genève»
Unia entreprend une action pénale contre l'entreprise chargée du désamiantage du chantier de l'école des Pâquis pour de «graves manquements». Les travaux avaient dû être interrompus.

La rénovation de l'école primaire a été entamée en juillet 2017.
Le Matin/ Image: Maxime Schmid«C'est la première fois que nous déposons une dénonciation pénale liée à l'amiante, c'est un cas d'une extrême gravité», a déclaré jeudi José Sebastiao, secrétaire syndical d'Unia Genève, devant les locaux du Ministère public genevois. En cause: la découverte de taux inquiétants de la substance nocive sur le chantier de l'école primaire des Pâquis, en février, comme l'avait révélé la «Tribune de Genève».
Un ouvrier avait alerté les autorités sur le non-respect des normes quant au traitement des matériaux amiantés. Les travaux avaient dû être interrompus et les lieux évacués par le Service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants du canton (SABRA). Celui-ci avait analysé des prélèvements de poussière, qui s'étaient presque tous révélés contaminés. Le chantier, débuté en juillet 2017, avait pu reprendre deux jours après, le 7 février, à la suite d'un assainissement et de nouveaux contrôles. La partie déjà rénovée de l'école, quant à elle, n'était pas touchée, selon les mesures de l'Etat.
Un «scandale sanitaire»
«Visiblement, en écoutant les travailleurs et en lisant la presse, il semblerait que les ouvriers aient été exposés et leur santé mise en danger», a relevé Fabrice Berney, juriste à Unia Genève. En saisissant le Parquet, le syndicat souhaite que toutes les responsabilités soient établies «dans le cadre de ce scandale sanitaire». Unia vise notamment l'entreprise de désamiantage et la direction technique des travaux, mais aussi «toute personne morale ou physique, entité publique ou organe public, ainsi que toute autre personne ayant une responsabilité dans l'exposition des travailleurs à l'amiante», soit possiblement la Ville de Genève et d'autres sociétés. «Il pourrait en effet leur être reproché d'avoir mis en danger la vie d'autrui en renonçant sciemment à la mise en place de mesures de sécurité pourtant élémentaires», précise le syndicat, qui annonce que des plaintes pénales déposées par des employés vont suivre. Certains l'auraient d'ailleurs déjà fait.
Longue procédure en vue
Selon Unia, plus d'une centaine d'ouvriers, au bas mot, d'au moins 17 entreprises pourraient être concernés. Le syndicat attend d'ailleurs toujours, déplore-t-il, que la Ville lui fournisse une liste de toutes les sociétés ayant œuvré sur ces travaux pour pouvoir contacter leurs employés. «Les travailleurs étaient sur ce chantier depuis plus de deux ans, a souligné José Sebastiao. A Genève, nous n'avons jamais eu de cas aussi grave.» Le syndicat s'attend à une longue procédure, étant donné la durée des possibles infractions (de 2017 à 2020), ainsi que le nombre de victimes et de responsables potentiels. «Même si l'exposition à l'amiante n'implique pas forcément de contamination, il y a eu des manquements graves», a estimé François Clément, responsable sécurité et santé d'Unia Suisse.
Des erreurs admises
La principale mise en cause, l'entreprise de désamiantage, reconnaît que son personnel sur le chantier a fait «deux ou trois erreurs de travail», comme le concède Nils Rentsch, directeur de Perrin Frères S.A. Certains manquements sont «entièrement de notre responsabilité», mais d'autres sont le fait d'autres acteurs du chantier. «Il faut clairement établir les responsabilités, c'est sûr, poursuit l'entrepreneur. Mais je pense qu'avant d'aller au tribunal, il y a d'autres moyens pour le faire. Nous avons proposé une rencontre la semaine dernière avec Unia. A ce jour, à ma connaissance, nous n'avons pas eu de réponse.» Par ailleurs, Nils Rentsch confirme que sa société ne va pas finir le chantier, sans pouvoir en dire plus à ce sujet.
Dans un courrier adressé à Unia fin février, la Ville de Genève indique avoir mis en place un nouveau protocole de désamiantage, validé par le SABRA et l'assureur SUVA, et que «des contrôles accrus seront effectués dans ce sens jusqu'à la fin du chantier».