Les toubibs préviennent: «Syphilis is coming»

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GenèveLes toubibs préviennent: «Syphilis is coming»

Des étudiants en médecine ont conçu une campagne pour freiner la hausse des cas de syphilis. Leurs spots pastichent des séries TV culte.

par
David Ramseyer

Crédit: Université de Genève

Jon Snow, Monica et Chandler, ou encore le professeur Walter White sont mobilisés pour enrayer une infection sexuellement transmissible, qui fait son grand retour dans nos contrées. Dans le cadre d'un cours de la faculté de médecine, deux étudiants, Julia Cau et Arec Manoukian, ont réalisé une campagne de prévention de la syphilis. Elle est lancée ce vendredi sur les écrans des transports publics genevois, sur les réseaux sociaux et YouTube. Les spots s'afficheront aussi sur les sites de l'Université et de plusieurs lieux nocturnes. Particularité: l'opération pastiche les génériques de séries TV à succès comme «Game of Thrones», «Friends »ou encore «Breaking Bad» (voir vidéo ci-dessus).

Un parti pris qui relevait de l'évidence, pour Julia et Arec. Alors que les cas d'infection ont explosé depuis 10 ans (cf. encadré), «nous voulions utiliser des références connues, qui parlent immédiatement aux gens, mais aussi qui les intriguent. Elles ont un message commun: quelque chose est en train de revenir; en l'occurrence, la syphilis.» Les vidéos renvoient ensuite au site de l'Unige consacré à la maladie. Financée par des fonds publics et privés, l'opération a coûté 18'000 francs, qui ont notamment servi à payer les droits pour les séries TV citées.

Vigilance en berne

Associer culture et prévention permettra de toucher le grand public et «de sortir du cliché de la maladie honteuse, avance le professeur Alexandre Wenger, qui a co-chapeauté le projet. C'est une infection sexuelle comme les autres, et elle se soigne depuis les années 1950». Si le mal est pris suffisamment tôt, une à trois injections intramusculaires d'antibiotiques suffisent en effet pour en guérir.

Malgré tout, la syphilis a fait son petit bonhomme de chemin et gagne du terrain. Ces dernières années, «elle a été un peu oubliée dans les campagnes contre les maladies sexuellement transmissibles, en partie siphonnées par la lutte contre le SIDA, explique la Dr. Laurence Trellu, adjointe au service de dermato-vénérologie des HUG. La prévention est affaiblie».

Pour la renforcer, le spa coquin Duplexx, à Genève, a choisi de participer à l'opération lancée ce vendredi. Selon son gérant, Jean Oberson, c'est une question de bon sens: «Il faut avertir du danger de certaines pratiques sexuelles. En ce sens, cette campagne est un bon rappel, car je constate dans mon établissement que les gens utilisent de moins en moins le préservatif».

Une infection qui s'étend

En une décennie, le nombre de cas déclarés de syphilis a plus que doublé en Suisse, passant de 373 en 2009, à 817 l'an dernier, avec un pic de 970 cas en 2017. De janvier à mi-avril, 230 nouvelles infections se sont déjà déclarées dans notre pays, révèlent les statistiques de l'Office fédéral de la santé publique. La maladie concerne très majoritairement les hommes. Les cantons les plus touchés sont Zurich (218 cas déclarés l'année passée), Genève (97) et Vaud (83).

"Les cas ne sont pas tous contagieux, mais ces chiffres montrent que la bactérie circule bel et bien dans la population, souligne la Dr. Laurence Trellu, adjointe au service de dermato-vénérologie des HUG. Les infections aiguës récentes, les plus contagieuses, sont à traiter au plus vite."

Vilains boutons et très sérieuses conséquences

La syphilis (aussi appelée vérole) est une infection sexuellement transmissible (IST) par contact direct des muqueuses buccales, génitales ou anales. Les symptômes ne sont pas toujours visibles. Mais en général, ils se traduisent par l'apparition, au départ, de boutons sur la verge, et quelques semaines plus tard, d'éruptions cutanées, parfois très étendues sur les mains, le torse ou le dos. Si elle est traitée trop tardivement, la syphilis peut atteindre des organes tels que le coeur et le système nerveux, rendre aveugle ou sourd, voire entraîner la mort. Cette IST risque aussi d'affecter gravement le bébé d'une femme enceinte.

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