Mort d'Estelle Balet«C'était tout sauf une tête brûlée»
Les hommages ont commencé à tomber, mardi, à la suite du décès tragique de la freerideuse Estelle Balet. La Valaisanne a succombé à une avalanche lors du tournage d'un film.
Le directeur du Freeride World Tour, le père de la freerideuse, les frères Falquet, figures de la discipline, Thierry Kunz, ancien snowboarder, ainsi que le monde du freestyle et d'autres personnes via les réseaux sociaux ont réagi avec tristesse la nouvelle du décès d'Estelle Balet. La Championne du monde de 21 ans, qui venait de s'imposer sur les pentes de l'Xtrême de Verbier, a perdu la vie au Portalet, à Orsières, à la suite d'une avalanche. Réactions.
«Elle était très prudente, c'était tout sauf une tête brûlée», a déclaré à l'AFP son père, Eric Balet, directeur général de la société de remontées mécaniques Téléverbier. «C'était un vrai rayon de soleil, elle était toujours très attentive aux autres. Elle a vécu sa vie avec passion, tout est allé très vite, trop vite», a ajouté M. Balet, père de deux autres enfants plus âgés. Estelle Balet était présente sur le Freeride World Tour (FWT) depuis la catégorie juniors.
Nicolas Hale-Woods, directeur du Freeride World Tour (FWT): «C'est un choc, une grande tristesse. Estelle fait partie de la famille du Freeride. Elle a suivi la filière du Freeride World Tour des juniors, aux 'qualifiers', jusqu'à ses deux titres mondiaux. Elle était rayonnante, intelligente, toujours de bonne humeur et extrêmement talentueuse. Lorsque un tel drame arrive, on ressent forcément un sentiment d'injustice. Quand de trop jeunes athlètes s'en vont, c'est très dur, mais c'est le lot de la montagne. Depuis 150 ans dans les Alpes, la montagne reprend des alpinistes et des skieurs. Cela fait 30 ans que j'évolue dans le milieu du freeride, et presque chaque année, on perd quelqu'un. Estelle était une jeune femme posée. Elle était réputée prudente et constamment sur ses gardes. Ce n'était pas quelqu'un qui poussait trop loin, qui prenait des risques inconsidérés. Sa disparition rappelle malheureusement que même si l'on est très professionnel et entouré des meilleurs, on peut se faire avoir. La part de risques est inhérente au quotidien du freerider. Je suis évidemment de tout cœur avec ses proches».
Loris Falquet, freerider: «Je ne connaissais pas très bien Estelle. Toutefois, son décès tragique est là pour nous rappeler qu'un tel accident peut arriver à tout le monde, y compris aux personnes hyper formées. J'espère que les gens savent que même avec un air-bag, on n'est pas totalement en sécurité. Un air-bag ne nous met pas à l'abri de se prendre un arbre ou un rocher. Estelle n'est sans doute pas la dernière à laisser sa vie en montagne. Dans le monde du freeride, on dit souvent que les gens assument les risques plus qu'ils ne les acceptent. Si on prend l'exemple de Jean-Yves Michellod, il a dû assumer après son grave accident (ndlr: le vainqueur de l'Xtreme 2004 avait été pris dans une avalanche en mars 2006. Il avait été victime de multiples fractures et d'une luxation de la colonne vertébrale. Il en porte aujourd'hui encore les séquelles et n'a retrouvé qu'un usage partiel de ses jambes). Lorsqu'il y a un décès, c'est aux proches d'assumer et ça, c'est dur, c'est très dur. C'est forcément toujours un choc. Mes pensées vont évidemment vers ceux d'Estelle en ce moment, notamment vers son père Eric».
Nicolas Falquet, freerider: «C'est un choc, d'autant plus que j'ai rencontré Estelle Balet le week-end dernier. Elle était très sympa. Avant cela, je n'avais entendu que du bien sur son parcours, ses résultats en compétition, sa façon de rider… C'est toujours très dur quand une personne de notre clan disparaît. En tant que vieux rider, après avoir passé toutes ces années à effectuer la promotion du freeride, notamment auprès de la jeune génération, tu es forcément très touché. Surtout lorsqu'une jeune comme Estelle s'en va. Après c'est à l'entourage d'encaisser, d'accepter, d'assumer cette tragédie. Mais personne, non personne n'est jamais prêt pour cela. Sa famille connaît la montagne, son copain Leo Slemmet est lui aussi freerider, mais cela ne change rien, on n'est jamais prêt pour accueillir un tel coup du sort. On est touchés en plein cœur. Je suis évidemment en pensées avec l'entourage d'Estelle qui vit des instants très difficiles. S'il y a une leçon à tirer de ce genre d'accident, c'est peut-être celle-ci: même les pros les plus aguerris peuvent être touchés. En montagne, personne n'est à l'abri, il ne faut jamais l'oublier. On doit mettre ça sur le compte de la fatalité. Dernièrement, avec mon frère Loris, on faisait le bilan des destins des gens qui nous ont nous-mêmes inspirés dans le freeride. Et c'est vrai que beaucoup sont déjà partis».
Thierry Kunz, ancien snowboarder pro, consultant RTS: «C'est triste. Encore une freerideuse qui est morte en pratiquant sa passion. Elle n'est malheureusement ni la première, ni la dernière. On ne s'habitue pas à ce genre d'évènement, mais on est moins surpris. C'est à ses proches qu'il faut penser aujourd'hui. En fin de saison, les conditions ne sont pas terribles avec un peu de neige fraiche sur une couche déjà instable. La connaissant, Estelle a très certainement fait super gaffe à tout, elle n'était pas tout kamikaze. Elle avait pris toutes les précautions, mis toutes les chances de son côté. Elle portait un casque. Seulement, le freeride est un sport à risques. On ne joue pas au ping-pong! Quand ça passe, c'est toujours très beau, mais quand ça ne passe pas... ça fait chier!»
La course qui l'a sacrée championne du monde à Verbier au début avril:
«Un soleil»
La nouvelle a provoqué une intense émotion parmi la population de Vercorin, le village où était domiciliée la jeune sportive. «Toute la population de la station connaissait Estelle», témoigne Alain Perruchoud, le président de la commune de Chalais sur laquelle se trouve Vercorin. Alain Perruchoud a de la peine à cacher sa propre émotion. Il a des enfants de l'âge d'Estelle, ils ont fait du ski ensemble. «J'ai peine à imaginer la douleur qu'on peut ressentir quand on perd un enfant dans ces circonstances».
«Estelle était un soleil, elle était toujours motivée», a témoigné le snowboarder de Sierre (VS) Emilien Badoux sur les ondes de Rhône FM. Le champion du monde de snowboard 2014 était un proche d'Estelle Balet. Après sa victoire à l'Xtrême, la sportive n'a pas caché que le Sierrois lui avait insufflé la motivation pour décrocher la victoire.
Le snowboarder a dit sa tristesse, et aussi sa colère contre la montagne. «Elle est un peu traîtresse, elle met sa belle robe et derrière se cache la faux avec la mort».
Le Freeride World Tour rend également hommage à la jeune championne sur son site internet. «Estelle Balet était une étoile scintillante dotée d'un talent remarquable», indique l'organisation dont les pensées vont à la famille et aux amis de l'athlète. Les réseaux sociaux ont aussi été envahis de nombreux témoignages de sympathie et de condoléances d'amis, de connaissances ainsi que de sportifs de tous horizons.
Compétitrice dans l'âme
Estelle Balet a mis très jeune les pieds sur un snowboard. Elle s'est toujours décrite comme une compétitrice. Un de ses rêves était de s'élancer dans les mêmes pentes que les hommes à l'Xtrême de Verbier. Ses concurrentes témoignaient d'ailleurs de son inlassable recherche de la difficulté.
Elle a débuté la compétition à un haut niveau en 2011 avec ses premiers pas sur le Junior Freeride Tour qu'elle a remporté en 2012. L'année suivante elle a gagné le Freeride World Qualifier puis, en 2014, le Freeride World Tour à tout juste 20 ans.
2016 sera l'année de la consécration avec une nouvelle victoire dans le Freeride World Tour couronnée d'une victoire à l'Xtrême. «C'est complètement fou. Pour n'importe qui, remporter Verbier, c'est magique. Certains disent que cela vaut un titre de championne du monde. Personnellement, j'ai les deux. Je suis simplement heureuse», disait-elle dans une interview au Nouvelliste après cette dernière course.