Elections fédéralesLe plus grand parti de Suisse? L'abstentionnisme
Une fois encore, un scrutin suisse ne parvient pas à mobiliser la moitié de la population. Voici un tour d'horizon des raisons de ceux qui ne votent pas, par choix ou par dépit.

45,1%. Voilà la part des citoyens suisses qui se sont rendus aux urnes ce dimanche. Cela signifie que moins d'un citoyen sur deux a élu ses représentants pour les quatre prochaines années. L'autre moitié est restée silencieuse dans les urnes, parfois par désintérêt, mais parfois en revendiquant son droit de ne pas voter.
Les Suisses sont des électeurs sélectifs, explique le politologue Georg Lutz. «Environ 20% d'entre eux ne votent jamais, et la même proportion vote systématiquement. Le reste choisit ses sujets.» Tour d'horizon des profils que nous avons pu répertorier.
Celui ou celle qui ne se sent pas légitime
Le profil type de l'abstentionniste, selon Georg Lutz, est une jeune femme segundo au niveau socioéconomique plutôt bas. Engagés avec la RTS à Moudon (VD) dans une opération de dopage de la participation, deux journalistes ont pu constater ce fait.
«Nombre de ceux qu'on a rencontrés ne se sentaient pas assez informés pour voter, ou trouvent que les têtes de liste ne sont pas des «vrais gens» qui les représentent vraiment», constate Jérôme Galichet. «On a même rencontré un monsieur habitant le pays depuis vingt ans, qui nous a demandé de l'aide pour savoir comment s'y prendre, renchérit Cécile Durring. Il avait peur de se tromper.»
Celui ou celle qui n'y croit pas (ou plus)
«Tous pourris», «ça ne changera rien», «ça ne me concerne pas»: beaucoup de désabusés se sont exprimés en ce sens sur les réseaux sociaux autour de ce dimanche d'élections. Certains sont d'anciens électeurs, déçus, qui «ne se laissent plus séduire par des promesses», explique un internaute. Ils étaient d'ailleurs plus d'un à annoncer qu'ils s'abstenaient pour la première fois.
«La majorité, c'est ceux qui s'en fichent, mais on a aussi senti de la méfiance, poursuit Jérôme Galichet. On nous a beaucoup parlé des affaires Maudet, Broulis, Savary, ou des soupçons de fraude électorale à Genève... ça a laissé des traces. Il existe plein de fantasmes autour du politicien surpayé dirigé par les lobbies, ou de la mafia qui contrôle le scrutin...»
À Moudon, certaines réticences ont pu être désamorcées en fournissant de l'information béton. Pour le reste, «les politiques devraient aller davantage à la rencontre des citoyens, juge Jérôme Galichet. Il y a une déconnexion totale entre ces deux mondes, qui nuit gravement à la confiance.»
Celui ou celle qui ne trouve pas chaussure à son pied
Malgré une large offre de candidats, certains votants estiment qu'aucun ne partage leur vision. Shannon, Moudonnoise de 21 ans, était très sceptique à ce sujet. «On a fait un gros travail avec elle pour démystifier le processus de vote, raconte Cécile Durring. Puis on a fait son profil Smartvote, et elle s'est rendu compte qu'elle avait de vrais avis politiques, et qu'elle pouvait trouver ceux qui allaient les défendre. Elle a fini par remplir sa liste et la poster. C'était un chouette moment.»
Le problème est autre pour Baptiste*, 36 ans, à qui Smartvote peine à proposer un candidat partageant plus de 50% de ses opinions. «Qui que j'élise, je serai en désaccord sur des points fondamentaux, rage-t-il. Donc normalement j'inscris des noms qui n'ont rien à voir avec les candidats. Cette fois j'ai essayé, j'ai beaucoup panaché pour que les bêtises des uns et des autres s'annulent. Mais je ne suis toujours pas convaincu.»
Celui ou celle qui conteste le système
C'est une petite minorité, selon Georg Lutz, mais c'est celle qui s'exprime. Pierre-Adrien, 27 ans, par exemple. «Je n'ai jamais voté, je m'autocensure et j'aimerais que davantage de gens fassent de même, explique-t-il. Parce que l'être humain est biaisé dans ses opinions par plein de facteurs qu'il ne maîtrise pas. En outre, il faudrait une meilleure transparence quant aux objectifs et aux réalisations des candidats. Il faudrait aussi se mettre d'accord sur les objectifs avant de définir les méthodes. Et réétudier le mode de scrutin pour qu'il soit le plus représentatif possible.»
Pour certains citoyens antisystème, voter reviendrait à le légitimer. «Ces scrutins sont des parodies, estime un internaute. La majorité des gens exploités votent pour ceux qui les exploitent parce qu'on agite le spectre du fascisme pour les inciter à le faire.»
*Prénom d'emprunt
Le vote blanc plus important que certaines listes
Le vote blanc plus important que certaines listes
Le vote blanc revient parfois dans le discours des abstentionnistes. Il n'est cependant toujours pas pris en compte officiellement, mais il est décompté. Dans le canton de Vaud, par exemple, le taux de vote blanc était dimanche de 0,64% des bulletins, soit un meilleur score que 10 des 24 listes qui se présentaient. A Genève, il arrive à 0,52%, et Valais, champion romand de la participation, il culmine à 0,84%.