Garde pontificale«Ce n'est pas ça l'image d'une Suisse moderne»
Aucune femme n'est admise au sein de la Garde suisse au Vatican. Une experte juge l'exigence discriminante et contraire au droit international.

Le projet de rénovation est estimé à 55 millions de francs.
KeystoneLa Garde suisse au Vatican ouvre une nouvelle caserne. Coût de l'opération: 55 millions de francs. Quant aux nombre d'hommes sur place, il passe de 110 à 135. Voilà 500 ans que la Garde suisse existe et respecte des traditions strictes. Mais surtout, «elle contribue au rayonnement de la Suisse dans le monde», comme on peut le lire sur le site Internet de la Fondation de la caserne.
Les conseillers fédéraux s'efforcent également de vendre la Garde comme un reflet positif de la Suisse à l'étranger. Ueli Maurer la décrit comme «une figure de proue de la Suisse». Dans une interview, l'ancienne conseillère fédérale Ruth Metzler, présidente de la Fondation de la Garde pontificale suisse depuis l'année dernière, a déclaré: «La Garde suisse est une carte de visite pour la Suisse et notre engagement à l'étranger».
Mais représente-elle vraiment un portrait fidèle de la Confédération helvétique? Oui, du moment que l'on est un citoyen suisse, homme, célibataire, catholique, d'au moins 1m74 et en parfaite santé.
Contraire aux droits de l'homme
Comme l'explique Eva Maria Belser, professeure de droit constitutionnel et administratif à l'Université de Fribourg, interrogée par la Berner Zeitung, la Suisse ne considère pas la Garde comme un corps militaire, mais comme un corps de police. En effet, les soldats suisses ne sont pas autorisés à effectuer un service militaire pour des Etats étrangers.
La relève de la Garde suisse est-elle suffisante?
Toutefois, selon un consensus européen et mondial, les femmes ne peuvent généralement pas être exclues d'un corps de police. «Dans le cas contraire, il s'agirait d'une discrimination puisque cela viole le Pacte II de l'ONU et la Convention européenne des droits de l'homme» rapporte le journal bernois. Pourtant, les femmes n'ont pas le droit d'entrer dans la garde pontificale.
L'explication réside dans le fait que le Saint-Siège n'a jamais ratifié ces conventions relatives aux droits de l'homme. Et en principe, le Vatican est, en partie, exempt du droit international.
Une mauvaise pub pour la Suisse
En tant qu'organe du Saint-Siège, la Garde suisse n'est pas soumise à la Constitution fédérale et donc pas au droit suisse. Sur le plan symbolique, cependant, le lien avec la Suisse est fort. La Confédération a pour objectif, en matière de politique étrangère, d'oeuvrer pour le respect des droits de l'homme, y compris vis-à-vis du Vatican.
Le théologien Alberto Bondolfi, considère qu'il s'agit d'un problème: «La garde ne correspond pas à l'image que la Suisse veut se donner d'elle-même: progressiste, moderne, engagée en faveur des droits humains.»
Il en est sûr, si le Conseil fédéral part du principe que la Garde représente la Suisse à l'étranger, il faudra en tirer les conséquences. Il ajoute également que la nouvelle construction de la caserne aurait permis d'accueillir des gardiennes et de leur construire une aile séparée.
Aucun changement n'est à espérer
Après avoir été contacté par le quotidien bernois, le porte-parole du Vatican n'a pas souhaité s'exprimer à ce sujet. Mais Andreas Wicky, membre de l'Association suisse des anciens Gardes suisses pontificaux et rédacteur en chef de la revue «Der Schweizergardist», déclare que l'exclusion des femmes du service de garde doit être maintenue. D'après lui, il s'agit peut-être bien d'une discrimination selon les normes suisses. Mais pas pour le Vatican.
Seul le Pape est à même de changer les conditions d'admission, explique Andreas Wicky. «Et comme il semble attacher beaucoup d'importance aux traditions, un changement n'est pas prêt de voir le jour», conclut le quotidien bernois.