Math-dealer voulait en fait promouvoir les ingénieures

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Bad buzzMath-dealer voulait en fait promouvoir les ingénieures

La campagne qui a fait scandale en début de semaine était orchestrée par une faîtière d'ingénieurs. Son but: combattre le stéréotype selon lequel les filles seraient moins fortes en maths que les garçons.

par
Pauline Rumpf
Le mystère de la campagne math-dealer, apparue dans les gares de Lausanne, Berne, Zurich et Lugano n'a duré que 4 jours.
La campagne proposait un service dans lequel les filles pouvaient faire les devoirs de math des garçons pour de l'argent.
Le fake, orchestré par une faîtière d'ingénieurs, avait en réalité pour but de lancer un débat sur le fait que les filles soient moins fortes en math que les garçons.
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Le mystère de la campagne math-dealer, apparue dans les gares de Lausanne, Berne, Zurich et Lugano n'a duré que 4 jours.

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«Le buzz est allé un peu plus vite que ce qu'on imaginait», se réjouit Lea Kusano, porte-parole de l'Union suisse des sociétés d'ingénieurs-conseil (USIC). Après seulement quatre jours de campagne, la faîtière met fin au mystère jeudi soir, après de fortes réactions parues sur les réseaux sociaux et dans la presse: c'est l'USIC qui est derrière math-dealer.ch, «le nouveau service où les filles font les devoirs de maths des garçons pour de l'argent».

«Un thème qui suscite peu de réactions»

Objectif de la démarche: lancer un débat sur le stéréotype «les filles sont nulles en maths, les garçons ont de la facilité». «Ce préjugé pèse dès le jardin d'enfants, regrette Lea Kusano. Nous voulions susciter le débat grâce à un moment d'irritation, parce que sans ce choc, malheureusement, c'est un thème qui suscite peu de réactions et d'intérêt du public.» Le site va maintenant être modifié pour expliquer la démarche, et les personnes qui se sont inscrites vont être contactées.

La date a été choisie pour préparer la journée des ingénieurs, le 15 mars. De nombreux internautes interloqués avaient d'ailleurs lancé l'hypothèse d'un lien avec la Journée des droits de femmes du 8 mars. La campagne a suscité de nombreux débats à Lausanne, bien plus qu'à Zurich, Berne et Lugano où elle a aussi été déployée. «Maintenant, soit on discute de la campagne, soit on discute du problème», résume Lea Kusano.

«Ce n'est pas comme ça que les filles se sentiront valorisées»

Étudiant en médecine de 29 ans, Cédric Fricker fait partie de ceux qui se sont insurgés sur les réseaux, mais aussi dans la rue. Avec une dizaine de personnes, il a créé mercredi soir un périmètre de sécurité autour de l'affiche, pour «protéger les passants du sexisme toxique de cette campagne qui nuit gravement à leur santé». «Quel que soit l'objet, la méthode est mauvaise, estime-t-il. On renforce des stéréotypes déjà beaucoup trop courants dans l'éducation, surtout que la campagne s'adresse à un public jeune, non averti et qui n'a pas le recul suffisant.»

Cédric Fricker regrette surtout qu'aucun message de sensibilisation ou de prévention n'ait accompagné la campagne, sur son site ou même en réponse aux premières sollicitations par mail, notamment des médias. «Ce n'est pas comme ça que les filles vont se sentir valorisées plutôt que considérées comme des objets. Cette organisation devrait commencer par se questionner elle-même, elle pourrait faire des campagnes et du recrutement dans les gymnases ou offrir des bourses aux étudiantes talentueuses...» À noter que la députée Verte vaudoise Léonore Porchet a de son côté dénoncé le cas auprès de la Commune de Lausanne.

«Le monde du travail était bourré de stéréotypes»

«Quand j'ai voulu m'inscrire en maths, mon prof m'a dit que je n'y arriverais jamais», se souvient Rodaina Mardawy, ingénieure en génie civil. La trentenaire était la seule fille de sa classe d'option maths au gymnase. Les stéréotypes, ce n'est pourtant pas durant ses études qu'elle dit les avoir subis.

«Le monde du travail s'est rattrapé, sourit-elle. J'ai eu droit à tous les types de tons condescendants, ou aux refus d'être prise en compte parce que, un jour ou l'autre, je serais hors circuit car mariée ou maman... Et ça ne vient pas forcément d'où on s'y attend, c'est-à-dire plutôt des personnes hautement qualifiées plutôt que des ouvriers sur les chantiers.»

Rodaina Mardawy accueille plutôt bien la campagne math-dealer, car elle interpelle, même si elle regrette qu'on doive en arriver là. «Mais si ça peut motiver les filles à y aller, c'est bien, parce que les maths, en vrai, c'est cool!»

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