SuisseL'affaire Ségalat secoue une nouvelle fois le pays
Le canton de Vaud peut encore agir vis-à-vis de la France sur une base différente, a affirmé le Conseil fédéral. Le ministère public vaudois a cependant «exclu» de suivre cette démarche, selon le procureur Eric Cottier.
Surprises multiples dans la déjà longue saga Ségalat. Alors que l'affaire semblait close pour beaucoup, le Conseil fédéral affirme en réponse à la motion du conseiller national Olivier Feller (PLR/VD) qu'une action suisse motivée autrement «demeure encore possible».
Niet de Paris
Condamné en 2014 par la justice vaudoise pour le meurtre de sa belle-mère à Vaux-sur-Morges (VD) en 2010, le généticien français est aujourd'hui libre en France. Paris a fait savoir à la mi-mai qu'il ne ferait pas exécuter la peine de prison comme le demandait la Suisse.
Dans sa réponse à l'intervention d'Olivier Feller, le Conseil fédéral relève qu'il partage l'opinion du motionnaire selon laquelle les condamnés ne doivent pas «échapper à l'exécution de leur peine». En Europe, les moyens juridiques existent pour qu'une telle éventualité ne se produise pas, ajoute-t-il.
Conditions pas réalisées
La demande suisse adressée à la France voulait que Paris fasse exécuter la sentence vaudoise, soit les 14 ans de prison. Elle se basait sur le Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées et sur la Convention d'application de l'Accord de Schengen.
Or, souligne le Conseil fédéral, «en l'espèce, les conditions requises par ces instruments n'étaient pas réalisées». Berne explique que le jugement contre Laurent Ségalat n'est devenu définitif qu'après le départ du généticien de la Suisse en France. M. Ségalat n'exécutait en outre pas de peine de prison.
A la France de le juger
Si cette voie n'était manifestement pas la bonne, il en reste cependant une autre, note le gouvernement. La Convention européenne d'extradition contient une clause selon laquelle l'Etat qui n'extrade pas ses nationaux doit soumettre (sur demande de l'Etat requérant) l'affaire à ses autorités compétentes pour que des poursuites judiciaires puissent être engagées.
«Il s'agit du principe 'aut dedere, aut judicare' qui consacre l'obligation d'engager des poursuites pénales contre les auteurs d'infractions qui ne sont pas extradés. Ce principe est ancré dans de nombreux instruments internationaux», écrit le gouvernement.
Eric Cottier exclut
Cette leçon de droit n'est toutefois pas du tout du goût du procureur général vaudois Eric Cottier. Questionné sur une possible action selon les conseils de Berne, il a totalement «exclu» une telle éventualité. Ce serait «détruire» tout ce qui a été fait en Suisse, un jugement confirmé par le Tribunal fédéral et auquel la Cour européenne des droits de l'homme n'a rien trouvé à redire.
«Je me trouve à un carrefour judiciaire et je dois respecter mon système», a expliqué Eric Cottier. «J'exclus de mettre à néant» le processus judiciaire complet en demandant une délégation de poursuite pénale aux autorités françaises, a martelé le procureur en affirmant qu'il était compétent en la matière, et non les autorités politiques fédérales ou cantonales.
Saisir l'occasion
Pour le conseiller national Olivier Feller, le canton de Vaud devrait au contraire «saisir l'occasion» de transmettre à la France une nouvelle requête au sujet de Laurent Ségalat. Il serait «choquant» que tout ne soit pas entrepris pour faire appliquer la loi.
Le Conseil fédéral a livré en effet «une véritable marche à suivre» au canton de Vaud pour remettre l'ouvrage sur le métier. Il «invite en quelque sorte» les autorités à reformuler leur copie, selon le député.
Défense évasive
Défenseur des proches de la victime, l'avocat Jacques Barillon dit «comprendre» la position d'Eric Cottier, mais laisse entendre qu'il a «d'autres moyens d'action», sans en révéler davantage. (ats)