FranceFin des investigations dans l’enquête visant Gérald Darmanin pour «viol»
Le ministre de l’Intérieur n’a pas été mis en examen après la décision de la juge d’instruction. Cela oriente le dossier vers un non-lieu.
Gérald Darmanin débarrassé d’une énorme épine politique dans le pied? La juge d’instruction chargée de l’enquête qui le vise pour «viol» a prononcé début septembre la fin des investigations sans le mettre en examen, orientant l’enquête vers un non-lieu.
Dans ce dossier hautement sensible politiquement, qui a déjà fait l’objet de longs démêlés procéduraux, il appartient désormais au Parquet de Paris, qui n’a pas souhaité confirmer l’information, de prendre ses réquisitions avant la décision finale de la juge d’instruction.
La plaignante, Mme Sophie Patterson-Spatz, peut formuler des demandes d’actes d’enquête. Nombre de ses souhaits en la matière ont été récemment rejetés par la juge qui mène l’instruction, un rejet confirmé par la Cour d’appel de Paris début septembre. «Cette annonce de clôture de l’instruction m’attriste. J’envisage avec mon nouveau conseil de nouveaux actes qui permettraient de relancer cette instruction. Jusque-là, tout ce que nous avons demandé a été refusé», a déclaré à l’AFP la plaignante lundi soir, confirmant l’information de «Mediapart».
Depuis une première plainte de 2017, Mme Patterson-Spatz accuse M. Darmanin de viol, harcèlement sexuel et abus de confiance. En 2009, la plaignante s’était adressée à l’élu, alors chargé de mission au service des affaires juridiques de l’UMP (ancêtre de LR), pour obtenir un appui alors qu’elle voulait faire réviser une condamnation de 2004 pour chantage et appels malveillants à l’égard d’un ex-compagnon.
Selon elle, M. Darmanin lui aurait fait miroiter son appui auprès de la Chancellerie via une lettre, en échange de faveurs sexuelles qu’elle aurait acceptées, se sentant contrainte de «passer à la casserole», selon son expression devant les enquêteurs.
Échange clé du dossier, dans la nuit du 17 décembre 2009, Mme Patterson-Spatz lui écrit ce SMS: «Abuser de sa position. Pour ma part, c’est être un sale con (…). Quand on sait l’effort qu’il m’a fallu pour baiser avec toi. Pour t’occuper de mon dossier.» Moins de deux heures après, celui-ci répond: «Tu as raison, je suis sans doute un sale con. Comment me faire pardonner?»
Première plainte en 2017
Elle dépose une plainte une première fois en juin 2017, classée sans suite par le Parquet de Paris car la plaignante ne répond pas aux convocations des enquêteurs.
En janvier 2018, une enquête est ouverte à la suite d’une nouvelle plainte de Mme Patterson-Spatz. Celle-ci est entendue trois jours plus tard. M. Darmanin est, lui, convoqué en audition libre et confirme avoir eu une relation sexuelle avec Mme Patterson-Spatz, mais selon lui librement consentie et à l’initiative de la plaignante. «Il n’y a eu aucune contrepartie.» L’enquête est classée moins d’un mois plus tard pour «absence d’infraction».
En mars 2018, la plaignante dépose une plainte avec constitution de partie civile et élargit ses accusations: abus de confiance, extorsion de consentement sexuel, escroquerie au consentement sexuel, viol, harcèlement sexuel. Une juge d’instruction refuse en août suivant de reprendre les investigations, estimant l’enquête préliminaire suffisante pour écarter les accusations.
«Une vie de jeune homme»
Après de longs démêlés procéduraux, la Cour d’appel de Paris la contredit, ordonnant en juin 2020 la reprise des investigations sur cette accusation de viol, estimant que la magistrate instructrice «ne pouvait se fonder uniquement sur les résultats de l’enquête préliminaire» pour rendre un non-lieu.
Depuis l’été 2020, une nouvelle magistrate a pris le dossier en main. C’est elle qui a placé M. Darmanin témoin assisté dans ce dossier mi-décembre, avant de confronter le ministre de l’Intérieur et Mme Patterson-Spatz en mars pendant neuf heures.
«Il faut quand même mesurer ce que c’est que d’être accusé à tort, de devoir expliquer à ses parents ce qu’il s’est passé parce que, c’est vrai, j’ai eu une vie de jeune homme», avait expliqué M. Darmanin en juillet 2020 à «La Voix du Nord».
Dénonciations calomnieuses
Ce dossier a constitué un boulet politique pour M. Darmanin, critiqué dès sa nomination au gouvernement à l’été 2020 par de nombreuses voix, notamment féministes. Il a porté plainte pour dénonciation calomnieuse.
En mai 2018, le Parquet de Paris a classé sans suite une enquête pour «abus de faiblesse» le visant, ouverte à la suite d’une plainte d’une femme qui accusait le ministre des Comptes publics de l’avoir obligée à des relations sexuelles pour obtenir un logement et un emploi.
Version originale publiée sur 20min.ch