Accident de chantier à Malley: les multiples casquettes de la Suva interrogent

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Accident à Malley (VD)Les multiples casquettes de la Suva interrogent

Deux semaines après le drame, le maître d'ouvrage du chantier endeuillé par la chute d'un échafaudage fait le point. Avant de parler en tant qu'assureur, puis en tant que spécialiste de la sécurité.

Cet accident hors norme a provoqué un séisme dans le milieu de la construction.

Cet accident hors norme a provoqué un séisme dans le milieu de la construction.

AFP

«À tous points de vue, l'accident du 12 juillet a été un événement exceptionnel», ont résumé en chœur mardi plusieurs représentants de la Suva, propriétaire de la tour Malley Phare et maître d'ouvrage du chantier dans lequel un échafaudage de 19 étages s'est écroulé en faisant trois morts et de nombreux blessés. Après une sécurisation express (lire encadré), un plan est en train d'être mis en place pour la reprise des travaux, qui n'aura pas lieu avant la rentrée.

Exceptionnel, ce cas l'est notamment parce qu'il est estampillé Suva à tous les étages.

Indemnités sur la planche

Alors que l'enquête se poursuit, aucune hypothèse sur les causes du drame n'est commentée par la Suva, maître de l'ouvrage. Mais la Suva, assureur accident de la plupart des victimes, indique que ce premier rôle lui a permis d'être rapide dans son second rôle, de soutien aux victimes et à leur proches. Elle doit en particulier régler le versement d'indemnités ou de rentes pour incapacité de travail ou atteinte à l'intégrité. Et ce pour les blessures physiques autant que pour les atteintes psychologiques.

Puis c'est la Suva en tant qu'organe de surveillance de la sécurité au travail qui rapporte qu'un tel écroulement de toute une façade est inédit, même si les irrégularités sur des échafaudages sont parmi les raisons principales d'interruptions de travaux. «Ils sont parfois absents, ou ont été modifiés pour effectuer une tâche sans être correctement remis en place, décrit Olivier Favre, chef de la division romande de la sécurité au travail. Mais les accidents en lien avec ces structures sont souvent liés à des événements météo. Ce qui n'était pas le cas le 12 juillet.»

La Suva se contrôle elle-même

L'omnipotence de la Suva dans ce dossier interroge: l'entreprise se contrôle elle-même. «Nous ne pouvons pas détailler ces contrôles en raison de l'enquête, mais nous pouvons assurer qu'ils n'ont pas été différents de ceux que nous menons ailleurs, déclare Olivier Favre. Ce ne sont pas les mêmes départements, et nous intervenons plutôt auprès de la quarantaine d'entreprises sous-traitantes.» Des contrôles indépendants ont aussi été mandatés, avec un contrôleur présent sur le chantier trois ou quatre fois par semaine. «De plus, une formation a été fournie à tous les nouveaux collaborateurs sur le chantier.»

Suffisant pour la Confédération, qui donne à la Suva son mandat de surveillance. «Ces différents rôles sont prévus par le législateur sous cette forme, et il n'y a pas d'autre organe» pour assurer cette tâche, confirme Matthias Bieri, pour la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail. Après ce drame, la Suva a toutefois mandaté un rapport externe pour analyser son rôle de maître de l'ouvrage.

Des contrôles inopinés... mais connus

Du côté des syndicats, cette multiplicité des casquettes n'inquiète pas outre mesure, mais un autre point allume un voyant rouge. «Les contrôles sont insuffisants, met en garde Pietro Carobbio, responsable du domaine construction chez Unia. On nous rapporte trop de cas où tout le monde sait à l'avance quand aura lieu une visite censée être inopinée.»

«L'objectif final, c'est la sécurité, répond Jean-Luc Alt, porte-parole de la Suva. Si lors de contrôle annoncés le chantier est en ordre à l'arrivée de l'expert, alors l'objectif est atteint.» Et de rappeler que 20% des visites sont causées par des signalements. L'information peut alors circuler en amont via l'auteur de la dénonciation.

«Il a fallu chercher un expert hors de la Suva»

Après le choc, l'action: dès le soir du 12 juillet, il a fallu sécuriser la structure restante, bien que toutes les expertises n'aient pas encore pu être menées. Pour ne pas risquer de perdre des preuves déterminantes, impossible de poser des scellés comme lors de l'enquête sur la chute de la grue de la Bourdonnette en 2022. «Des photos et scans sont effectués et l'expert donne des consignes précises afin de pouvoir identifier les pièces remplacées a posteriori, notamment au moyen de couleurs», explique Vincent Derouand, porte-parole du Ministère public vaudois.

Et cette fois «il a fallu chercher rapidement un expert hors de la Suva, alors que c'est habituellement eux qui sont sollicités pour ça», poursuit-il. Le travail se poursuivra durant des mois, tant les auditions des témoins et des membres des entreprises concernées que l'expertise elle-même. À titre de comparaison, l'expertise dans l'affaire de la grue n'est, elle, toujours pas close après près de deux ans.

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