Fribourg«C’est le procès de l’horreur, de la barbarie et de la folie»
Un schizophrène était jugé jeudi pour tentative de meurtre. Armé d’un tesson de bouteille, il s’en est pris dans un train à une femme et au héros qui s’est interposé.

La police avait stoppé le train en gare de Chénens.
20minutes/lecteur-repoterLe 4 août 2020, les vies de trois personnes ont à jamais basculé. Un peu après 10h, un Béninois de 26 ans qui dormait depuis trois jours à la gare de Romont (FR) a aperçu une femme montant dans le train et a décidé de la suivre. À bord, il l’a coincée et a tenté de lui toucher l’entrejambe. La femme de 27 ans est parvenue à le repousser, tout en criant. Elle s’est ensuite assise plus loin et un jeune homme de 20 ans s’est approché pour lui porter assistance.
«Je n’avais jamais vu une telle violence. J’ai même aperçu au sol un morceau de chair d’environ 7 cm de diamètre.»
Alors que ce dernier appelait la police, le Béninois est revenu à la charge, armé d’un tesson de bouteille. C’est là qu’a commencé la «boucherie», terme utilisé par la procureure, lors du procès qui s’est tenu jeudi à Granges-Paccot. Avec cet objet tranchant, il a asséné de nombreux coups à l’un comme à l’autre. Le train a pour finir effectué un arrêt d’urgence en gare de Chénens (FR) et les forces de l’ordre ont débarqué en nombre. À leur arrivée, la jeune femme se débattait entre la vie et la mort. Finalement, elle s’en est tirée avec d’imposantes cicatrices sur tout le corps et quelque 200 points de suture. Les blessures de son Samaritain étaient certes moins prononcées, mais malgré tout importantes.
Les victimes demeurent traumatisées
Tous deux demeurent aujourd’hui traumatisés. «Je suis toujours angoissée et en alerte. Chaque matin, quand je vois mon corps, je repense à tout ce qui s’est passé. J’ai l’impression d’être un monstre. Je n’ose plus porter de jupe, de short ou de T-shirt. Il n’y a pas de mots pour décrire ce que je ressens», a-t-elle expliqué en pleurs. Le jeune homme, lui, est désormais incapable de monter dans un transport en commun.
Le prévenu, qui répondait notamment des accusations de tentative de meurtre et lésions corporelles graves, n’explique pas ses actes, si ce n’est par sa maladie. Il souffre en effet de schizophrénie paranoïde et était en pleine crise lors des faits. Désormais sous traitement, il avait du mal à comprendre les questions qui lui étaient posées jeudi et peinait à formuler des phrases. Bâti comme un colosse, au crâne rasé, il a néanmoins surpris lorsqu’il a fondu en larmes et demandé pardon à ses victimes.
Pas convaincus qu’il voulait tuer
Si les faits sont admis, demeurait la question de la responsabilité. Pour le Ministère public, qui a commencé son réquisitoire par «C’est le procès de l’horreur, de la barbarie et de la folie», l’accusé n’était pas totalement déconnecté de la réalité. La procureure a donc demandé une peine de prison de huit ans, doublée d’une mesure thérapeutique en institution. La défense, en revanche, a plaidé l’acquittement, considérant que son client n’était pas conscient de ce qui se passait.
En fin d’après-midi, les juges ont rendu leur verdict. Ne pouvant se forger la conviction que le prévenu avait l’intention de tuer, ils n’ont pas retenu la tentative de meurtre. Par contre, ils l’ont reconnu coupable de lésions corporelles graves et condamné à cinq ans de peine privative de liberté, assortie d’une expulsion de Suisse d’une durée de quinze ans. Toutefois, «la vraie sanction, c’est la mesure thérapeutique en milieu fermé, puisqu’il restera enfermé jusqu’au jour où des spécialistes décideront qu’il ne représente plus une menace pour la société. Cela peut durer des années, voire des dizaines d’années», commente le président du tribunal. Et l’avocat de la défense de déplorer: «Pour un détenu, c’est la pire des sanctions. Même condamné à vie, on peut savoir quand on retrouvera la liberté et se projeter. Là, c’est impossible.»