Suisse romandeVilles financées par la FIFA: la droite rit, la gauche se tâte
Des collectivités publiques romandes ont emprunté des millions à la FIFA, dès 2018. Certains élus s’en indignent alors que d’autres se montrent plus pragmatiques.

Le siège de la FIFA à Zurich.
20min/Michael ScherrerLa RTS a révélé que les villes de Genève (150 millions), de Lausanne (40), de Neuchâtel (10), de Fribourg (10) et de la Chaux-de-Fonds (montant inconnu), ainsi que le Canton de Neuchâtel (100) avaient profité de prêts à court terme de la FIFA. Des transactions qui questionnent après les vives critiques dont la fédération a fait l’objet en marge du Mondial de foot au Qatar. Les débats promettent d’être nourris dans les hémicycles, ces prochains temps.
«La FIFA n’est pas une instance mafieuse. Son argent provient notamment des droits médiatiques et du sponsoring. Cette polémique, c’est une tempête dans un verre d’eau qui est née à Berne, ville verte et bien pensante», a réagi le directeur des finances chaux-de-fonnières, le PLR Jean-Daniel Jeanneret, rappelant la légalité de cet argent déposé sur des comptes en Suisse. Il y a deux semaines, une enquête de Tamedia avait révélé que la ville de Berne avait emprunté 1,8 milliard de francs à la puissante fédération sportive.
Alors que certaines villes à majorité de gauche ont justifié par des raisons éthiques et environnementales leur refus de mettre sur pied une fan-zone durant le Mondial 2022, des élus bourgeois s’amusent du «deux poids, deux mesures» pratiqué. A gauche, on se questionne surtout sur les conditions dans lesquelles ces prêts ont été réalisés.
«Un sacré gag»
«Quand on décrit la FIFA comme étant le diable, ça paraît singulier d’aller ensuite lui emprunter de l’argent et participer à son enrichissement, puisque cela lui permet d’éviter de payer les intérêts négatifs», a réagi Bertrand Reich, le président du PLR genevois. «C’est un sacré gag! Le PS adopte une position moraliste mais emprunte en parallèle de l’argent à la FIFA», a renchéri le PLR lausannois Matthieu Carrel.
«La FIFA a offert, parfois, de meilleures conditions que les autres acteurs du marché. Veut-on payer davantage, mais sans savoir qui sont les prêteurs, comme c’est le cas avec les banques? De qui devrait-on alors refuser l’argent? Quand un scandale éclabousse une banque, doit-on cesser de lui emprunter de l’argent? C’est le système dans sa globalité qu’il faut discuter. Cela dépasse largement les questionnements autour de la FIFA», a réagi Alfonso Gomez, l’élu Verts à la tête du Département des finances de la Ville de Genève. Une discussion qu’il faudra mener selon les élus de gauche.
C’était un «one shot» à Neuchâtel
«Cette affaire pose plus globalement la question éthique de la provenance des fonds pour la collectivité», a admis la socialiste genevoise Caroline Marti. «Cette nouvelle a le mérite de questionner sur les critères qui sont observés lorsqu’on fait un emprunt», a renchéri sa collègue lausannoise de parti, Sarah Neumann.
A Neuchâtel, où un seul emprunt avait été contracté en 2019, on est déjà passé à autre chose: «Loanboox était un service nouveau qui avait été testé. Le taux négatif avait séduit, mais pour diverses raisons, l’opération n’a pas été répétée. Aujourd’hui, ce serait évidemment quasi impossible d’emprunter à la FIFA avec les polémiques qui ont fait rage entretemps», a relevé le directeur des finances de la ville, le PLR Didier Boillat.
Des affaires courantes et banales
«Les emprunts à court terme sont des affaires courantes dans le fonctionnement des collectivités publiques. Ils se font via des plates-formes (ndlr: comme Loanboox, impliqué dans les transactions avec la FIFA) ou des courtiers spécialisés en la matière. Ce type d’opération est tout-à-fait banal et le remboursement s’effectue dans les trois à six mois, au maximum. Les banques, les collectivités publiques et bien sûr des entreprises et organismes privés sont sur ce marché. Il fonctionne de manière relativement libre. La garantie de la légalité de cet argent réside dans le fait qu’il est déposé sur des comptes en Suisse et donc, qu’il correspond aux normes de la FINMA», a détaillé Jean-Daniel Jeanneret.
Au lieu d’être taxée, la FIFA a préféré prêter l’argent à 0%
Vincent Kaufmann, directeur de la Fondation Ethos spécialiste en matière d’investissements responsables, tombe des nues. «La FIFA n’a pas pour vocation de faire crédit. C’est très surprenant qu’elle propose ces emprunts. Peut-être est-ce dû aux intérêts négatifs qui étaient appliqués. Au lieu d’être taxé, on prête l’argent à 0%». Pour ce qui est des collectivités, l’expert explique que c’est généralement lorsqu’on prête de l’argent qu’on est plus regardant: «Quand on le reçoit, on fait moins le difficile». Il estime néanmoins que d’autres solutions s’offraient à elles, surtout «que les taux d’intérêt étaient plutôt bas ces dernières années. «Pourquoi donc aller chercher l’argent à la FIFA?»
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