Le chef du Shin Bet devenu la bête noire de la droite israélienne

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Conflit à GazaLe chef du renseignement israélien parle d'un «terrorisme juif»

Son limogeage par Netanyahu devrait prendre effet «au plus tard le 10 avril», officiellement pour «perte de confiance professionnelle et personnelle persistante».

«Le terrorisme juif alimente le terrorisme palestinien», a déclaré Ronen Bar, le chef du Shin Bet.

«Le terrorisme juif alimente le terrorisme palestinien», a déclaré Ronen Bar, le chef du Shin Bet.

AFP

Limogé vendredi par le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahou, le chef du Shin Bet Ronen Bar s’est attiré les foudres de la droite pour avoir notamment évoqué un «terrorisme juif» et multiplié les enquêtes visant le pouvoir.

Traits marqués, cheveux ras poivre et sel, cet officier de 59 ans a gravi pendant trois décennies les échelons qui l’ont mené à la tête du service israélien de la sécurité intérieure, à laquelle il est nommé en octobre 2021 par la précédente majorité. Netanyahou a justifié son limogeage, qui doit prendre effet au plus tard le 10 avril, par une «perte de confiance professionnelle et personnelle persistante».

Viré par «intérêt personnel» de Netanyahou

Ancien de l’unité d’élite de l’armée israélienne Sayeret Matkal – comme Netanyahou –, Ronen Bar a pour sa part jugé son départ motivé par «l’intérêt personnel» du Premier ministre, évoquant «les enquêtes en cours sur les événements qui ont conduit au 7-Octobre» et celle sur des versements présumés du Qatar à des proches de celui-ci.

L’officier, dont l’annonce du limogeage a provoqué des manifestations, a assuré qu’il continuerait à «remplir son rôle», et qu’il se défendrait devant les «instances appropriées». Il en aura l’occasion dans les jours qui viennent. La Cour suprême, qui a suspendu vendredi la décision du gouvernement à son endroit, l’a invité à témoigner lors des audiences qu’elle prévoit d’ici au 8 avril avant de statuer sur les recours qu’elle a reçus contre sa révocation.

Arabisant, diplômé en sciences politiques et en philosophie de l’Université de Tel-Aviv et titulaire d’un master d’administration publique à Harvard, Ronen Bar, né en décembre 1965, entre au Shin Bet en 1993, selon des médias israéliens. Il commence comme agent de terrain dans l’unité opérationnelle de l’organisation, participant à de nombreuses infiltrations dans la bande de Gaza, en Cisjordanie occupée et au Liban.

«Le terrorisme juif alimente le terrorisme palestinien»

Ronen Bar, chef du Shin Bet

En 2018, il est promu numéro deux de l’organisation. Le 11 octobre 2021, il prend la tête du Shin Bet pour un mandat de cinq ans. Mais rapidement, ses prises de position créent des dissensions avec le gouvernement de Benyamin Netanyahou, revenu au pouvoir fin 2022 avec l’aide de partis d’extrême droite partisans d’une extension tous azimuts de la colonisation en Cisjordanie et de l’annexion pure et simple de ce territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967. Ronen Bar dit lutter aussi contre le «terrorisme juif» qui, selon ses propos rapportés par des médias, contribue à alimenter le «terrorisme palestinien».

En 2023, il avertit le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir (extrême droite), que l’action de la police à Jérusalem-Est, annexée par Israël, crée un sentiment de punition collective et de harcèlement parmi la population palestinienne. Il lui demande aussi de ne pas se rendre sur l’esplanade des Mosquées. Mais le ministre ignore ses mises en garde à plusieurs reprises, suscitant à chacune de ses visites un tollé international.

Selon Yossi Shain, professeur de sciences politiques à l’Université de Tel-Aviv, son sort est scellé par sa mise en cause de l’Exécutif dans le fiasco de l’attaque sanglante du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, et par l’enquête du Shin Bet sur l’affaire, baptisée «Qatargate» par les médias, impliquant des proches de Netanyahou pour des versements occultes présumés du Qatar.

C'est Netanyahou «qui décide»

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a affirmé vendredi qu’il revenait à l’Exécutif de décider «qui sera(it) le chef du Shin Bet» après la décision de la Cour suprême de geler une ordonnance du gouvernement révoquant le titulaire actuel, Ronen Bar.

«L’État d’Israël est un État de droit et de par la loi, c’est le gouvernement qui décide qui sera le chef du Shin Bet», écrit Netanyahou sur son compte X. «Shabbat shalom» («Bon sabbat», en hébreu), ajoute-t-il simplement à quelques heures du début du repos hebdomadaire juif, sans faire mention de la décision de la Cour suprême.

(afp/rk)

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