Débâcle PrimeEnergy: la Finma castrée par la culture du secret

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Débâcle de PrimeEnergyLe gendarme financier suisse castré par la culture du secret

PrimeEnergy avait été pincée par la FINMA en 2015, mais personne n'en avait rien su. Après le krach de Credit Suisse, le Conseil fédéral veut empêcher une telle opacité.

L'entrée de la FINMA, le gendarme financier suisse, à Berne.

L'entrée de la FINMA, le gendarme financier suisse, à Berne.

Samuel Schalch / Tages-Anzeiger

Huit ans. À l’évidence, PrimeEnergy Cleantech (PEC) a fait n’importe quoi pendant huit ans sans frein, alors qu’elle avait déjà été sanctionnée en 2015 par le gendarme financier suisse, la FINMA. Ce n’est qu’en 2023 que celle-ci a rouvert une enquête. Il était déjà trop tard. PEC a coulé cet automne; 2000 petits épargnants qui voulaient investir dans le solaire risquent de perdre toutes leurs économies. Dans son rapport final, datant de juillet 2024, la FINMA fait état «d’une violation continue, systématique ou répétée» des obligations légales en matière de marchés financiers.

«C'est un gag»

«C’est un gag, ce n’est pas possible», réagit le conseiller national PS Roger Nordmann, commentant ces huit ans d’impunité. Pour lui, «le principal problème, c’est l’absence de publication des décisions de la FINMA, dont la droite n’a jamais voulu». Avec des si, on met Paris en bouteille, mais il n’est pas absurde de penser que si le public avait été informé des écarts de PEC dès 2015, moins d’investisseurs seraient tombés dans le panneau.

«Un énorme effet préventif»

Surtout, rendre une sanction publique «a un énorme effet préventif», juge l’élu. En effet, quelle société désirant lever des fonds prendrait le risque d'une si mauvaise publicité? PEC, «même si c’est un petit poisson, est un cas typique» des déviances qu'autorise le secret. Mais la FINMA n’y est pour rien: par défaut, elle n’a pas le droit de rendre publiques ses décisions – et si elle le désire, elle doit se justifier.

Le Conseil fédéral veut changer la donne

Or, la situation est en passe d'évoluer, suite à un krach autrement plus retentissant que PEC: celui de Credit suisse. Dans son rapport sur la stabilité des banques, daté d’avril, le Conseil fédéral propose de changer la donne. Il veut «accroître l’efficacité de la surveillance en inscrivant dans la loi le principe d’une information systématique du public sur les procédures d’enforcement (ndlr, d’enquête)». Les sept sages jugent eux aussi que «cette mesure exercera en particulier une action préventive».

La FINMA souhaite informer le public

La FINMA est pour. Elle «salue cette initiative. Grâce à son effet préventif, la possibilité d’informer activement sur les procédures closes renforcerait considérablement la place financière ainsi que l’activité de surveillance», indique son porte-parole Serkan Isik.

Selon Roger Nordmann, la chose n’est pas encore acquise 100%: le Conseil fédéral devra d'abord édicter un projet de loi soumis au Parlement. «Il faudra trois ou quatre ans, dans le meilleur des cas.» Ce vendredi, le Département fédéral des finances a indiqué que «le Conseil fédéral se prononcera fin mai sur les valeurs de référence au niveau de la loi. Nous ne pouvons pas encore donner d'autres informations sur la planification ultérieure.»

«Il faudra bien calibrer l'outil»

Député du Centre, donc de droite, Vincent Maitre n’est en tout cas pas opposé au projet. «Avec un exemple aussi flagrant que PEC, il semble évident qu’il aurait fallu favoriser l’information aux investisseurs». Mais il tempère. «Il faudra bien calibrer l’outil pour ne pas freiner les investissements en Suisse.» Afin d’éviter de pénaliser trop durement les sociétés qui auraient fauté par négligence et qui ont rectifié le tir («l’écrasante majorité des cas»), il juge que seules les sanctions liées «aux fraudes et aux infractions intentionnelles» devraient être publiées.

Bref, il est fort possible que l’onde de choc provoquée par l’effondrement de Credit Suisse complique nettement, à l’avenir, des fuites en avant comme celle de PEC.

Pas de surveillance permanente

Interrogée quant aux huit ans écoulés entre la première sanction visant PEC et l’ouverture d’une seconde enquête, la FINMA rappelle ceci: si une société se remet immédiatement en règle et si les investisseurs ne sont pas lésés, la liquidation peut être disproportionnée. La FINMA peut alors «menacer de liquidation en cas de récidive». Elle l’a fait pour PEC. Toutefois, suite à une telle décision, «l’activité de la société n’est pas surveillée en permanence». Ce n’est qu’en cas «d’indices concrets» d’activités illicites que la FINMA «procède à des investigations».

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