Débâcle de PrimeEnergy: le ver était dans le fruit depuis 2022

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EconomieDébâcle de PrimeEnergy: le ver était dans le fruit depuis 2022

Un comptable analyse les deux derniers bilans de la société qui a siphonné les économies de petits épargnants. D'étranges zones d'ombre demeurent.

PrimeEnergy Cleantech commercialisait des obligations vertes, puis investissait l'argent récolté dans l'énergie renouvelable, notamment des centrales photovoltaïques.

PrimeEnergy Cleantech commercialisait des obligations vertes, puis investissait l'argent récolté dans l'énergie renouvelable, notamment des centrales photovoltaïques.

Mercredi, les investisseurs lésés de PrimeEnergy Cleantech (cette société qui émettait des obligations vertes et qui file vers la faillite, menaçant de mettre sur la paille des centaines de petits épargnants) ont, enfin, eu accès à sa situation financière actuelle. Sans surprise, elle est catastrophique. Le réviseur, PWC, constate «un surendettement manifeste et important». En outre, «un assainissement n’est pas possible et n’est pas envisagé». Bref, la messe est dite. Précisément, PEC informe les épargnants que ce bilan intermédiaire, arrêté au 30 juin 2024, a été déposé la veille au Tribunal de Bâle-Campagne en vue du prononcé de la faillite.

Voyants au rouge en 2022 déjà

Cette débâcle aurait-elle pu être évitée? Selon un comptable sollicité pour analyser ce bilan, mais aussi le précédent, qui remonte à fin 2022, cela sentait déjà le sapin à cette date-là. «A ce moment, la société est en perte de capital.» Ce terme technique signifie que les pertes sont supérieures à la moitié du capital et des réserves. Tous les voyants passent alors au rouge. Et, selon le droit des sociétés, le conseil d’administration doit prendre des mesures correctives. Une augmentation de capital a bien été faite, mais d'autres actions plus drastiques auraient sans doute dû être entreprises: plan d'assainissement des coûts, vente d'immeubles, etc.

Des pertes depuis plusieurs années

Mais non. Au contraire, un prêt de 19,5 millions a été accordé à l’actionnaire principal. «Il aurait fallu un plan pour rééquilibrer les comptes avant de faire ce prêt. Cela n’a pas de sens», juge l’expert. Qui remarque aussi que, normalement, avec de tels chiffres en 2022, «personne ne voudrait investir dans une société qui générait déjà des pertes depuis plusieurs exercices». PEC a pourtant réussi à commercialiser pour des millions de francs d’obligations. «C’est le problème des sociétés non cotées en bourse, observe le comptable. Leurs chiffres ne sont pas disponibles en temps réel.» En quelque sorte, ce sont des boîtes noires.

Dès 2022, une fuite en avant

Un autre élément le choque: le bilan est déséquilibré. «Normalement, si l'on souhaite limiter les risques, les actifs à court terme doivent compenser les passifs à court terme. Et le long terme doit être financé avec du long terme.» Or, à partir de 2022, un point de bascule intervient. «On voit que pour gérer ses engagements à court terme, PEC sollicite des obligations (ndlr, il s’agit d’une dette à long terme vis-à-vis des investisseurs, ceux-ci devant récupérer leur mise au bout d’un certain nombre d’années).» On assiste alors à une fuite en avant: en 2021, les obligations vendues par la société se montent à 53 millions de francs. En 2022, ce total atteint 98 millions. Puis, en 2024, 122 millions.

Un prêt baroque qui «n'explique pas tout»

Dernier élément, et non des moindres: alors que fin 2023 les fonds propres se montaient encore à 7,1 millions de francs, au 30 juin 2024, ils affichaient une valeur négative de 43,7 millions. Bref, 51 millions de francs se sont évaporés. «C’est une explosion en vol», observe Me Pascal Pétroz, qui défend les intérêts d’une soixantaine de lésés. Il en conclut ceci: «Le prêt de 19,5 millions accordé à Laurin Fäh, l’actionnaire principal, n’explique pas tout.» Depuis que l’affaire a éclaté, PEC a toujours invoqué son non-remboursement pour expliquer sa débâcle. «Il y a autre chose», estime Me Pétroz. Personne ne sait quoi.

«Erreur, tromperie ou menace»

Une phrase du réviseur des comptes a particulièrement retenu l’attention de Me Pétroz: la référence à une lettre écrite le 23 septembre par le garant du prêt accordé à l’actionnaire principal. Dans ce courrier, il est écrit que la garantie émise n’est «pas valable en raison d’un vice de la volonté» — et que par conséquent, les paiements ne seraient plus effectués. «En droit, le vice de la volonté, c’est la possibilité de revenir sur un contrat si on a fait une erreur, si on a été trompé, ou si l’on a subi une crainte fondée. Eh bien, on aimerait bien savoir quelle a été l’erreur, la tromperie ou la menace…»

Les contre-vérités de l'actionnaire

Le rapport du réviseur des comptes bat en brèche certaines explications de Laurin Fäh, l’actionnaire principal. D’une part, le prêt de 19,5 millions qui lui a été accordé: selon PWC, il lui reste 16,6 millions à rembourser, et non 9,7 millions ou 13,2 millions, selon ses versions successives du 24 octobre et du 8 novembre. D’autre part, la valeur des immeubles possédés par PEC: Laurin Fäh l’estimait à 50 millions. Or, s’ils sont bien évalués à 49 millions, ils sont grevés de 28 millions d’hypothèques. Bref, il n’est possible d’en tirer que 21 millions. Enfin, il expliquait que le garant lui avait fait part par oral de sa volonté de continuer à payer. Sa lettre de retrait, que cite PWC, met à mal cette affirmation.

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