Pillée par l'actionnaire, une société plombe les épargnants

Publié

GenèvePillée par l'actionnaire, une société plombe les épargnants

PrimeEnergy Cleantech, qui vendait des obligations vertes et avait été soutenue par Bertrand Piccard, a annoncé sa faillite aux investisseurs.

PrimeEnergy Cleantech émettait des obligations en vue d'investir dans l'énergie solaire et éolienne.

PrimeEnergy Cleantech émettait des obligations en vue d'investir dans l'énergie solaire et éolienne.

Getty Images

«Ce sont des centaines, peut-être des milliers de petits cotisants-obligataires qui vont perdre une partie de leurs économies», s'alarmait samedi Claude, l'un des épargnants ayant placé de l'argent dans la société PrimeEnergy Cleantech. La veille, les investisseurs avaient reçu une communication de l'entreprise. Celle-ci leur annonçait ne plus pouvoir respecter ses engagements financiers. «Le conseil d'administration devra dans les prochains jours notifier le tribunal du surendettement de la société». Par conséquent, celui-ci «devra déclarer la faillite».

Le 11 octobre, alerté par François, qui n'avait pas reçu les intérêts qui lui étaient dus fin août, «20 minutes» avait écrit un premier article à ce propos. Le CEO de la société n'avait fait aucun commentaire, mais Bertrand Piccard, le célèbre explorateur, qui avait longtemps soutenu PrimeEnergy Cleantech en jouant le rôle d'ambassadeur (rôle dont il s'est désengagé), avait fourni un début d'explication: «un gros actionnaire a emprunté une somme très importante à la société et ne l'a toujours pas remboursée. Ceci cause des problèmes de liquidités à la société qui est ainsi empêchée de verser les coupons liés à ses obligations.»

Les débiteurs et le garant ont cessé de payer

Cette explication se vérifie. Dans sa communication de vendredi, le CEO de PrimeEnergy Cleantech indique qu'«au cours des dernières années, l'actionnaire majoritaire de PEC, des sociétés affiliées ainsi que des parties proches de cet actionnaire sont devenus des débiteurs déterminants de PEC». Ces débiteurs ayant rencontré des difficultés, un tiers a garanti une partie de ces dettes. «Malheureusement», à ce jour, les débiteurs comme le garant ont cessé de payer. «Toutes nos tentatives pour résoudre cette situation sont restées infructueuses à ce jour. Cet état de fait a gravement affecté la trésorerie et la liquidité de PEC.»

Gros prêts à l'actionnaire depuis 2021

Effectivement, si l'on regarde le dernier bilan disponible de PrimeEnergy Cleantech, au 31 décembre 2022, il fait état de 19,5 millions de prêts accordés à l'actionnaire, et de 51 millions de prêts accordés à des sociétés liées. Un an et demi avant, au 30 juin 2021, ces montants n'atteignaient «que» 5,4 millions, respectivement 32 millions. Au 30 juin 2020, ils s'établissaient à 847'000 francs, respectivement 22,7 millions.

Un avocat: «Une plainte pénale paraît appropriée»

Avocat spécialiste en droit financier, Me Pascal Pétroz recommande aux investisseurs de produire leur créance dans la faillite, autrement dit de guetter sa publication dans la feuille d'avis officielle (sans doute bâloise, la société mère y étant basée). «Les créanciers disposent alors de 30 jours pour faire valoir leurs droits. Pour ce faire, ils doivent écrire à l'office des faillites du canton concerné.» Selon lui, ils peuvent espérer récupérer de la sorte «une petite partie» de leur mise, mais sans doute pas la totalité.

Mais Me Pétroz observe surtout que «ce que le communiqué de la société signifie, c'est que l'actionnaire a siphonné son entreprise en se servant dans l'argent des épargnants. Et ça, c'est pénal. Une plainte pénale me paraît donc appropriée. Elle serait bien plus susceptible de faire bouger l'actionnaire qu'une procédure de faillite, dès lors que dans ce cas, l'ensemble de ses biens peuvent être séquestrés.» L'avocat rappelle, par ailleurs, qu'en Suisse l'action collective n'existe pas. Chaque lésé doit donc agir de manière individuelle.

Ton opinion