
En hiver, des orques convergent vers l’île de Skjervøy pour manger les harengs qui s'y reproduisent.
Getty ImagesAventure arctiqueNord de la Norvège: l’enchantement de la nature en hiver
En naviguant dans le cercle arctique, de Kirkenes à Bodø, on observe des cétacés et des aurores boréales dans un décor enneigé. Un spectacle fascinant.
L'année 2024 est exceptionnelle pour l’observation des aurores boréales. Au cours des derniers mois, on en a même vu en Suisse et plus au sud. Le phénomène est si courant, en hiver, dans le nord de la Norvège, que le pays en a fait un argument de sa promotion touristique. De prime abord, la nuit quasi constante et la température ressentie de -19°C l'après-midi ne sont pas engageantes.

L'île de Silda. 14 décembre 2024, à 17 heures.
Emmanuel CoissyCes conditions extrêmes créent pourtant un cadre sensationnel qui attire de nombreux visiteurs, en particulier dans l'archipel des Lofoten. Élargissons la perspective, en naviguant, durant six jours, du nord au sud de la côte atlantique de la Norvège, dans le cercle arctique, de Kirkenes à Bodø.
Pêcher le crabe royal à Kirkenes
Nous sommes à 10 kilomètres de la frontière russe. L’allusion à l’actualité est sans équivoque: «C’est une espèce invasive importée par les Russes, dans les années 1960». Vendredi 13 décembre, à 10h30, Erling Pedersen fend un crabe royal avec un couteau et le démembre. Guide et pêcheur norvégien, le solide gaillard âgé de 24 ans aligne les petites blagues, parle du grand décapode, cousin du homard, pour divertir les clients du Snowhotel qui participent à une excursion sur un bras gelé de la mer de Barents.

Erling Pedersen, 24 ans, guide et pêcheur de crabes royaux, sur un fjord gelé à proximité de Kirkenes. 13 décembre 2024, à 10h30.
Emmanuel CoissyAujourd’hui, le crustacé est servi sur les meilleures tables de Norvège. Erling Pedersen ramène les visiteurs au resort de luxe dans un traîneau. Là, il cuit les pattes à la vapeur et les sert aux convives ravis.
Kirkenes, localité de 4300 habitants, se trouve à 1800 kilomètres au nord d’Oslo. Le complexe hôtelier, au bord d’un fjord, se positionne comme un idéal touristique comprenant des maisonnettes douillettes, des chambres dans un igloo, une meute de chiens de traîneau et un parc de rennes.

Des chiens de traîneaux devant l'igloo du Snowhotel, à Kirkenes. 13 décembre 2024, à 11h30.
Emmanuel CoissyCe matin, le ciel est un peu couvert. La lune, presque pleine, brille. Des enfants du coin chantent dans le Snowhotel, à l’occasion de la Sainte-Lucie. À quelques jours de Noël, l’allégresse se répand sous la neige qui commence à tomber. Des clients sautent dans un bus, navette pour le port d'où ils embarquent sur le Midnatsol, de la compagnie Hurtigruten.

À bord du Midnatsol, face à l'île de Havøya, à proximité du cap Nord. 14 décembre 2024, à 9h15.
Emmanuel CoissyAucun train ne dessert l'extrême nord du royaume. Les trajets par la route sont longs. L'océan est donc la meilleure voie. Les navires de Hurtigruten assurent la liaison entre 34 ports de Bergen à Kirkenes, transportent la population locale, des touristes de tous âges et des marchandises.
Aurores boréales sur le cap Nord
En partant de Kirkenes, la croisière jusqu’à Tromsø, capitale de la région, dure 36 heures. Le bateau passe à proximité du cap Nord, point le plus septentrional de l'Europe continentale, à 15'000 kilomètres du pôle Nord. Dans l'après-midi du 14 décembre, l'équipage annonce l'apparition d'une aurore boréale de faible intensité visible depuis le pont avant, puis, une heure plus tard, d'une autre à tribord.
Les passagers piaffent, photographient le phénomène céleste. Les plus jeunes expliquent aux aînés le fonctionnement du mode Nuit de l'appareil photo d'un smartphone et le réglage du temps d'exposition. Il doit être long pour saisir l'intensité lumineuse. Les mains en l'air s'engourdissent. La température est de -7°C pour un ressenti de -14°C, indique l'app Météo de l'iPhone.

Au large d'Andenes, dans le comté de Finnmark. 14 décembre 2024, à 18h10.
Emmanuel CoissyDes cétacés à Skjervøy
Samedi 14 décembre, à 23h45, des clients débarquent à Tromsø pour y séjourner. Le lendemain à 9 heures, certains d'entre eux prendront un catamaran d'une des petites entreprises locales qui proposent une journée d'observation de cétacés à proximité de l'île de Skjervøy. Le site attire orques et baleines qui se régalent des harengs qui fraient dans ces eaux.
Des embarcations de toutes tailles, chargées de curieux, affluent. L'attraction est très populaire. À l'image de Tromsø, destination en plein essor à la suite du dernier développement de l'aéroport en 2023. Des jeunes Européens et Asiatiques s'y rendent pour sillonner la région et, le soir, ils profitent des bars et des restaurants animés du centre-ville, en particulier le week-end.

Une orque à proximité de l'île de Skjervøy. 15 décembre 2024, à 11h20.
Emmanuel CoissyLes Lofoten dans la nuit polaire
Lundi 16 décembre, peu avant minuit, des passagers montent à bord du Vesterålen, de la compagnie Hurtigruten. Départ de Tromsø, à 1h30. L'horaire implacable des escales nocturnes de l'express côtier oblige la clientèle à faire preuve de souplesse dans l'organisation de son voyage. De toute façon, la nuit est presque constante, durant la période la plus sombre de l'année. Le décalage fait partie de l'expérience.
Le bateau de croisière longe les îles Vesterålen, puis les Lofoten. Cet archipel-là jouit d'une notoriété internationale et constitue une destination de vacances en lui-même. On l'atteint, vendredi 17 décembre, à 18h30. Si on ne séjourne pas à terre, la visite des ports s'effectue en pleine nuit, notamment à Svolvær, dominé par des montagnes.

Des cabanes de pêcheurs aménagées en chambres d'hôtel, à Svolvær, localité de l'archipel des Lofoten. 17 décembre, à 19h20.
Emmanuel CoissyMercredi 18 décembre, à 2h30, le Vesterålen fait escale à Bodø, dernière ville avant le franchissement du cercle polaire arctique. Celle-ci dispose d'une gare, la plus au nord du pays, qui permet d'accéder au sud par la voie ferrée. Bodø s'est aussi signalée, ces derniers mois, parce qu'elle est capitale européenne de la culture 2024, tout comme Tartu, en Estonie. Les environs sont parsemés de lacs. Certains accueillent des patineurs quand la surface est gelée. En ce moment, l'épaisseur de la glace n'a pas encore atteint les 10 centimètres requis, à cause du redoux. À midi, il fait -5°C pour un ressenti de -13°C.